Photographie. Pour leur 46e édition, après un coup de mou l’an dernier, les Rencontres de la ville provençale repartent en trombe vers tous les rivages de la photo contemporaine.
Luc Debraine, Arles
L’an dernier, le plus ancien des festivals de photographie accusait le coup de son âge avec une programmation chaotique et inégale. Mais la 46e édition des Rencontres de la photographie d’Arles (Provence), dont les 35 expositions sont à découvrir jusqu’en septembre, marque un salutaire renouveau. Transfuge du Musée de l’Elysée à Lausanne, le nouveau directeur, Sam Stourdzé, a recentré la photo sur ses enjeux contemporains, l’engageant à dialoguer avec la musique ou le cinéma, explorant les nouvelles pratiques documentaires et rendant hommage à quelques anciens maîtres dont l’influence est toujours vive (Walker Evans et Stephen Shore).
L’ouverture sur la musique, c’est la formidable exposition Total Records, petite histoire de la photo racontée en 600 pochettes de disques. Le format carré qui protège les 33 ou 45 tours a toujours servi l’audace photographique, inscrivant les disques dans l’imaginaire collectif. Quitte à prendre un pas aussi décidé que celui des Beatles traversant Abbey Road. La musique toujours, c’est la partition colorée de Martin Parr et de M dans une ancienne église, où il fait bon s’asseoir dans un transat pour assister au spectacle, les images ironiques du Britannique sur la rétine, les dérapages soniques du Français sur les tympans.
Le cinéma, vieille passion de Sam Stourdzé, c’est le numéro transformiste de John Malkovich qui, devant l’objectif superpro de Sandro Miller, rembobine lui aussi les différentes époques de la photo. Malkovich en Dalí, Picasso, Marilyn, Warhol, Jagger, Che ou Gaultier: la performance vaut le trajet jusqu’à l’abbaye de Montmajour, à quelques kilomètres d’Arles. Ce numéro de mimétisme va jusqu’à rendre le format et la matière des tirages d’Irving Penn, Diane Arbus, Philippe Halsman ou Pierre et Gilles.
Chaudron magique et verres à pastis
Les Rencontres d’Arles sont un festival généraliste, accueillant toutes les formes de la photographie contemporaine. Elles s’intéressent toutefois peu à la lourde actualité du moment, peu aussi à la transformation vertigineuse du médium sous l’impulsion des algorithmes robotisés. Rayon documentation du monde, l’événement préfère dévoiler ce qui est caché, à l’exemple de l’enquête de Paolo Woods et Gabriele Galimberti sur les paradis fiscaux (voir L’Hebdo No 28). Ou les passions, obsessions ou manies des gens, qui vendent de tout, mais alors vraiment de tout sur Leboncoin. Le portraitiste français Thierry Bouët a contacté quelques-unes des personnes innombrables qui se séparent d’un bien sur le site en ligne. Qu’il s’agisse d’un vapeur de 4,8 mètres ou d’un yacht de 22,70 mètres, de quatre verres pour pastis ou d’un chaudron magique, d’un cercueil (comme neuf) ou d’un costume bavarois. Avec tendresse et humour, beaucoup de respect et de la poésie, Thierry Bouët met en scène ces Affaires privées, le titre de sa fraternelle série de portraits. Une galerie intime, au cœur de la vie, qui suggère que la catégorie de la photographie documentaire a aujourd’hui mille expressions, plus ou moins chaleureuses, ni objectives ni subjectives, avec toujours un auteur derrière le viseur. De préférence, comme ici, un ami du genre humain.
46es Rencontres de la photographie, Arles (Provence). Jusqu’au 20 septembre.
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