Zoom. Une réédition et une exposition parisienne célèbrent les 50 ans de la troublante Milanaise, icône de la BD érotique.
Prénom: Valentina. Nom: Rosselli. Domicile: via de Amicis 45, Milan. Profession: photographe de mode. Vocation: femme de tête et femme de rêve.
Née des amours triangulaires entre son créateur, Guido Crepax, Louise Brooks (en imagination) et sa femme, Luisa Crepax (en vrai), Valentina a 50 ans cette année. Dans sa première apparition, en 1965, elle n’est que l’amante du personnage principal, Philip Rembrandt, alias Neutron, critique d’art doté d’étranges pouvoirs.
Valentina sera longtemps fidèle à Philip (en actes, s’entend; les fantasmes, mmmh, c’est autre chose), mais elle ne restera pas longtemps un personnage secondaire. A peine surgie sur la page, langoureusement étirée entre deux cases, en équilibre instable entre un vernissage dans la vraie vie et un abysse imaginaire, entre vacances en famille et hallucinations SM, elle aura piqué la vedette à son homme. Sans jamais se laisser réduire, comme tant d’autres, à la condition d’objet de fantasmes. Cette fille-là est une intello, aussi cultivée que son créateur.
«Sa facette érotique est la plus célèbre, mais elle est loin d’être la seule: Valentina est le premier personnage féminin accompli dans l’histoire de la BD», dit Thierry Groensteen, qui a entrepris de rééditer, chez Actes Sud, les aventures de la bombe milanaise, assorties des commentaires de Luisa et Antonio Crepax, femme et fils du dessinateur mort en 2003*: tout était épuisé, et tout n’a pas été traduit en français.
Un maître du noir et blanc
Valentina a 50 ans, et on peut prédire qu’elle ne mourra jamais. Voyez: les planches originales de ses albums s’exposent comme des tableaux. «Crepax est un grand maître du noir et blanc, et un pionnier du cadrage complexe», dit Eric Verhoest, le galeriste et expert en BD qui propose actuellement à Paris un grand choix de planches du maître**. Des planches que l’on peut acheter (8500 euros pièce): c’est l’originalité de l’actuelle exposition parisienne, qui vient, après deux grands hommages à Valentina rendus à Milan et à Bruxelles plus tôt dans l’année.
Architecte de formation, fin connaisseur d’histoire de l’art, Guido Crepax a dessiné Valentina – pour ne parler que d’elle – durant trente ans. «Dès le début, il a classé et protégé ses originaux, un comportement exceptionnel dans le monde de la BD», raconte Eric Verhoest. Luisa et Antonio ont hérité d’un véritable patrimoine, dont une partie seulement sera vendue. La réserve n’est pas épuisée, mais pour cette fois, à la galerie Champaka, la vente s’arrêtera à la quinzième planche écoulée.
Valentina, elle, troublera hommes et femmes pour longtemps encore.
* «Biographie d’un personnage», quatre histoires de Valentina, Actes Sud, L’an 2.
** «Guido Crepax: Valentina, Dr Jekyll et Mr Hyde». Galerie Champaka, Paris, jusqu’au 25 juillet.