Michel a la cinquantaine bedonnante et mélancolique. Marié à une femme aimante et compréhensive, il mène une vie tranquille et semble flotter dans une perpétuelle torpeur, si ce n’est lorsqu’il retrouve ses modèles réduits d’avions. Passionné par la grande épopée de l’aéronautique, il se rêve en Saint-Exupéry mais n’a jamais osé voler. Pensant lui permettre d’assouvir enfin un fantasme, ses amis lui offrent un baptême de l’air. Il n’en fallait pas plus pour que, trouvant ce cadeau intrusif, il se choisisse une nouvelle passion: le kayak.
Fasciné par la grâce des courbes de ces petites embarcations, le voilà qui se met en tête de descendre une rivière. Il a envie d’aventure, mais se contente de ramer «pour de faux», sur le toit de sa maison. Ce sont les rêves, et non leur réalisation, qui semblent le guider. Découvrant qu’il a accumulé un véritable kit de survie, sa femme va alors décider de lui mettre le pied à l’étrier. Et Michel de partir pour quelques jours qui vont lui permettre de faire le point, comme on dit.
On retrouve dans Comme un avion cette écriture délicate et ce goût pour les personnages en léger décalage qui sont devenus la marque de fabrique de Bruno Podalydès. Le réalisateur, qui s’offre là le premier rôle puisqu’il est lui-même un fervent kayakiste, s’est, en sept longs métrages et quelques courts, bâti un univers qui, derrière son vernis réaliste, évoque la fragile magie des films de Tati, où le rire est d’une extrême finesse, avec des gags parfois visibles dans l’arrière-plan, ou provoqués par un son parfois à la limite du perceptible. Michel a la même maladresse poétique que M. Hulot, même si Podalydès cherche moins à chorégraphier ses plans que Tati.
Après quelques heures de voyage à peine, Michel va s’arrêter, littéralement happé par un bistrot de campagne où la vie semble être idyllique. Il y rencontre une patronne généreuse, une jeune serveuse avenante, deux ahuris qui bricolent on ne sait trop quoi et carburent à l’absinthe. Impossible de repartir. Il va bien essayer, mais en vain, prétexte à une succession de séquences d’une irrésistible drôlerie, comme cette apparition d’un pêcheur irascible qui ressemble étrangement à Pierre Arditi.
Quelques grands thèmes sous-tendent Comme un avion, mais dans le fond ce n’est pas ce que dit le film sur la crise de la cinquantaine ou la décroissance qui fait sa réussite. C’est sa sincérité et son apparente simplicité, fruits d’un scénario d’une redoutable précision, qui en font un long métrage autrement plus abouti que la plupart des productions françaises qui ont récemment eu droit à une exposition cannoise.
«Comme un avion». De et avec Bruno Podalydès. Avec Sandrine Kiberlain et Agnès Jaoui. France, 1 h 45.