La comédienne présente en octobre, à Pully, un spectacle animalier coécrit avec Jean-Claude Carrière d’après sa série de films courts «Green Porno». Rencontre.
On se souvient d’elle en chanteuse de cabaret vénéneuse dans le Blue Velvet réalisé en 1986 par David Lynch. On a également en tête ses superbes apparitions dans Nos funérailles (1996), fabuleux film de mafia signé Abel Ferrara, ou, il y a trois ans, dans La solitude des nombres premiers, brillante adaptation d’un best-seller italien. Mais ces dernières années, c’est une autre facette d’Isabella Rossellini qu’on a découverte: déguisée en abeille, mante religieuse, araignée, crevette ou encore baleine, l’Italo-Américaine est l’auteure-interprète d’une série de films très courts, Green Porno. Lesquels ont cet été pris la forme d’un spectacle, Bestiaire d’amour, que la comédienne présente dans quelques semaines à Pully.
«Contrairement au grand public, ma famille connaît ma passion pour les animaux, explique la fille d’Ingrid Bergman et Roberto Rossellini. J’ai toujours habité à la campagne, je suis proche des animaux. J’ai aujourd’hui une petite ferme bio, la nature me passionne, c’est un vrai hobby. Mais il se trouve que j’ai fait carrière dans la mode et le cinéma...»
Dans la série Green Porno, visible en intégralité sur YouTube, Isabella Rossellini décrit avec humour et rigueur scientifique la vie sexuelle des insectes. Cette première série a ensuite donné lieu à une deuxième salve de courts métrages sur les animaux marins, puis à des déclinaisons sur les comportements amoureux (Seduce Me) et l’instinct maternel (Mammas). «Il y a cinq ou six ans, le Festival du film de Sundance a commencé à financer des films pour le web. Son directeur, Robert Redford, souhaitait relancer une forme de cinéma très courte. Il m’a alors demandé de réfléchir à un concept car il avait beaucoup aimé un film un peu surréaliste d’une vingtaine de minutes que j’avais réalisé sur mon père.» C’est ainsi qu’Isabella Rossellini propose à l’acteur et réalisateur le concept de Green Porno, détournant avec malice l’étiquette verte que Sundance avait accolée à plusieurs séries de films liés à l’écologie.
Trouvailles comiques. Les textes de ces petits sketchs, Isabella Rossellini les écrit seule, en se souvenant qu’elle était entrée à l’université en biologie, avant de changer de voie et d’envisager de devenir costumière pour le cinéma. «Le but premier des films, c’est qu’ils soient drôles. On n’est pas dans le documentaire. Mais je fais néanmoins relire ce que j’écris à des scientifiques afin qu’il n’y ait pas d’erreurs.» Le plus difficile, convient-elle, reste de traduire les informations scientifiques en trouvailles visuelles et comiques.
Aujourd’hui, c’est donc sur les planches que l’actrice partage sa passion pour le monde animal. Elle ne pensait pas arriver à adapter Green Porno pour le théâtre, mais son amie Carole Bouquet l’a convaincue de tenter le coup en la mettant en contact avec un producteur et l’infatigable scénariste et romancier Jean-Claude Carrière, un autre artiste épris de biologie. C’est ainsi que Bestiaire d’amour a pris la forme d’une conférence scientifique entrecoupée d’extraits de films et d’exemples explicités à l’aide de marionnettes.
Alors qu’Isabella Rossellini pensait présenter ce spectacle lors de quelques dates événements, elle va finalement faire étape dans 25 villes jusqu’en mars prochain. «Si j’ai peu d’expérience sur scène, c’est que je n’aime pas les longues tournées que le théâtre impose, durant lesquelles toute la vie privée doit être suspendue», admet-elle.
Questionner les certitudes. Finalement, parler des petites bêtes et de leurs comportements sexuels n’est-il pas un moyen de parler de l’homme? «Cela permet surtout de questionner des principes et de mettre en doute des certitudes. Par exemple, lorsque certains affirment que l’homosexualité est contre nature, c’est faux, car elle est présente dans la nature. Même si on ne sait pas trop pourquoi, elle n’est donc pas le seul fait de l’homme. De même, on a observé que certaines femelles sont tentées par la chasteté, parce que avoir un enfant, c’est une grande responsabilité. Alors que d’autres, au contraire, font l’amour tout le temps...»
«Bestiaire d’amour». Pully, Théâtre de l’Octogone. Jeudi 3 octobre à 20 h. A l’issue de la représentation, rencontre avec Isabella Rossellini animée par le réalisateur Lionel Baier.
Cinéma: ses trois rôles préférés
«Blue Velvet» (David Lynch, 1986)
«Ce film a été mon premier grand succès, comme il a lancé la carrière de David Lynch. Je l’aime pour les mêmes raisons que les critiques. Il est très original, avec un côté d’avant-garde. Le rôle était vraiment extraordinaire.»
«L’innocent»(John Schlesinger, 1993)
«Il n’a malheureusement pas eu beaucoup de succès, mais j’ai vraiment aimé le faire. John Schlesinger, qui était un homme merveilleux, est le metteur en scène qui m’a véritablement donné confiance en moi.»
«A la recherche du passé» (Jeroen Krabbé, 1998)
«Ce film hollandais parle de juifs orthodoxes. Il m’a captivée parce que je ne suis suis pas religieuse. Jouer mon personnage a été très intéressant, notamment en qui concerne la gestuelle et le langage du corps.»