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Neeme Järvi, la modestie d’un patriarche

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Jeudi, 29 Août, 2013 - 05:56

Le directeur artistique et musical de l’OSR ouvre les feux du Septembre musical ainsi que de la nouvelle saison de l’orchestre qu’il emmène sur les chemins des musiques du Nord.

A76 ans, Neeme Järvi n’a plus rien à prouver. Le chef estonien a travaillé partout. Il a transformé d’humbles orchestres en outils de musique fabuleux. Il a dirigé les ensembles les plus prestigieux, collaboré avec des solistes de premier plan autant qu’accordé sa confiance à de jeunes artistes. Son moteur n’est ni la notoriété ni l’attrait du spectaculaire: c’est son amour inconditionnel pour la musique – toutes les musiques – et pour ceux, musiciens et public, avec lesquels il la partage.

Face aux orchestres, il dirige avec le corps un peu, avec les yeux surtout, dégustant ce que les musiciens lui donnent comme si, de son côté, il ne leur demandait rien… A Montreux, en ouverture du Septembre musical, Neeme Järvi dirige la Cinquième symphonie de Prokofiev après le Concerto pour piano de Grieg joué avec Elisabeth Leonskaja, une artiste russe pour laquelle il a la plus grande estime et qui figure d’ailleurs à l’affiche de la saison de l’OSR. Neeme Järvi ne craint pas les fortes personnalités: il les attire et, mieux, les suscite. Pour preuve, les trajectoires hautes en couleur de ses deux fils, Paavo et Kristjan, devenus chefs eux aussi – sans avoir eu à tuer l’image paternelle – et passeurs charismatiques de répertoires. En effet, si Neeme Järvi a dirigé tous les poids lourds symphoniques et lyriques, Beethoven, Wagner, Richard Strauss en tête, il garde plus que jamais son attention fixée sur des œuvres plus secrètes, des compositeurs égarés dans les tiroirs du passé ou regardés, à son avis, d’un peu trop haut. «Le rôle d’un musicien est de faire découvrir des œuvres, d’amener le public vers de nouvelles émotions» déclare-t-il.

Chabrier. Avec l’OSR, il vient d’enregistrer un disque entièrement consacré à Emmanuel Chabrier, trop souvent sous-estimé, qu’il sert avec générosité et grâce, ainsi que la Symphonie No 2 du Suisse méconnu Joachim Raff, dont il prépare l’intégrale discographique. «Raff a été le secrétaire privé de Liszt, raconte-t-il avec enthousiasme. Il a été au contact des grands compositeurs de son temps et sa musique symphonique est vraiment très belle! Je ne cherche pas à sortir des sentiers battus par principe. Je ne cherche pas l’originalité à tout prix; je cherche juste la bonne musique!»

Il a fait de même, dans les années 60 déjà, en dirigeant la création de plusieurs œuvres d’un jeune compatriote à l’époque totalement inconnu, Arvo Pärt. «Arvo Pärt est le Bach d’aujourd’hui. Comme lui, il dédie ses œuvres à Dieu et érige des monuments sonores comparables aux Passions, tout en étant d’une parfaite intégrité et en lien étroit avec le monde. Arvo Pärt est émotionnellement accessible à tous et je le joue très souvent», dit-il, toujours fidèle à son instinct, à un demi-siècle de distance.

Neeme Järvi nomme aussi Eduard Tubin, né en 1905, lui aussi Estonien exilé dont il a dirigé et enregistré l’intégrale des symphonies, par coup de cœur, dès qu’il fit sa connaissance, en Suède, en 1965. «Chacune de ses compositions est un chef-d’œuvre et j’aimerais pouvoir les diriger beaucoup plus souvent.»

Interrogé sur son rapport avec l’OSR, avec lequel il entame sa deuxième saison en tant que directeur artistique et musical, le chef globe-trotteur et polyvalent, fort de dizaines d’orchestres à son actif, répond de manière très directe: «Je me sens bien, cet orchestre est d’un haut niveau. Je déplore seulement de ne pas pouvoir faire avec lui tous les enregistrements qui me feraient envie, puisqu’il se consacre avant tout aux concerts et représentations lyriques.»

Objectifs. Neeme Järvi relève le siècle d’histoire de l’OSR, ainsi que les répertoires qui lui sont associés, dont celui de la musique française, mais il ne reste pas accroché au mythe de couleurs sonores historiques et immuables. «La sonorité d’un orchestre doit naître d’abord de l’œuvre qu’il interprète! L’OSR convient bien à Berlioz, autant qu’à Richard Strauss!» La programmation de la saison reflète parfaitement les objectifs du chef: Mahler, Strauss, Brahms côtoient Berlioz aussi bien que Grieg, Sibelius ou Chostakovitch. Neeme Järvi propose à l’OSR et à son public des voyages dans les musiques du Nord ainsi que trois créations et des œuvres de l’époque classique.

Neeme Järvi en est convaincu, le flux musical symphonique ne s’est jamais interrompu. Il en cite les sources d’une voix empreinte de passion – Bach, «Papa» Haydn, Mozart, Beethoven, Brahms, Schubert, Schumann… Et il est persuadé, surtout, que ce flux, véritable fontaine de Jouvence, ne cessera jamais de jaillir, emportant instruments, voix, orchestres et auditeurs dans des contrées encore à explorer. Voilà sans doute ce qui explique l’énergie, l’engagement et l’aura à la fois affectueuse, concentrée, sobre et débonnaire de Neeme Järvi, un chef qui, penché vers son orchestre, n’a d’oreille que pour la musique à laquelle, avec une insatiable gourmandise, il a consacré et consacrera encore sa vie.

Montreux. Auditorium Stravinski. Sa 31, 20 h. www.septmus.ch Saison de l’Orchestre de la Suisse romande: www.osr.ch


Neeme Järvi par le disque

La discographie du chef estonien est une des plus riches qui soient: plus de 500 enregistrements partagés, à l’image de la trajectoire du musicien, avec de nombreux orchestres. Alors que les chefs-d’œuvre abondent, on mettra en avant son Intégrale Sibelius avec le Gothenburg Symphony Orchestra (DG) et, à la tête de l’OSR, sans chauvinisme mais simplement pour le bonheur des sons, le récent Chabrier ainsi que la Symphonie No 2 que Joachim Raff (Chandos), étape d’une intégrale à venir.

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Simon Van Boxtel
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