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Berlin: Simon Rattle, le chef qui démocratise la musique classique

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Mercredi, 13 Mai, 2015 - 05:28

Texte: Pascale Hugues | Photos: Thomas Meyer Otskreuz

Le chef d’orchestre londoniena eu l’idée de créer des rendez-vous informels entre la Philharmonie de Berlin et le public. Plus de 1200 personnes se pressent désormais à des concerts durant la pause de midi.

Rendre la musique accessible à tous! Qui éprouverait le besoin de se convaincre que Simon Rattle a bien gagné son pari n’a qu’à venir le mardi à 13 heures à la Philharmonie. Chaque semaine, le temple de la musique sur la Potsdamerplatz ouvre ses portes au tout-venant pour un lunch-concert de trois quarts d’heure. Le foyer est bondé: un couple de touristes danois qui n’a pas réussi à obtenir des billets pour le concert du soir, un homme d’affaires berlinois en costume-cravate debout en train d’avaler une soupe avant le début du concert, plusieurs mères avec leurs bébés qu’on ne peut pas emmener le soir, des retraités qui n’aiment pas rentrer seuls en bus la nuit, des groupes scolaires venus de France et d’Italie, des étudiants berlinois désargentés, de jeunes musiciens… l’entrée est gratuite, l’ambiance intime et totalement décontractée.

«Nous ne pouvons accueillir que 1200 personnes, regrette l’ouvreuse. Les gens viennent écouter ici certains des meilleurs musiciens du monde. Ils oublient le stress du travail, la ville bruyante au-dehors et ils peuvent manger un morceau avant ou après le concert.» Le public est serré sur les marches des escaliers, appuyé sur les balustrades à l’étage, assis en tailleur à même le sol. A l’arrivée du trio de musique de chambre, c’est le silence dans l’immense foyer comble. Un couple s’enlace. Une mère berce son bébé. Le clarinettiste présente en quelques mots le musicien méconnu, et le trio se lance dans une sonate douce.

Découvrir sa propre créativité

C’est le chef d’orchestre anglais sir Simon Rattle, directeur musical des Philharmoniker, l’orchestre symphonique de Berlin, qui a eu l’idée de ce rendez-vous informel avec son public. La Philharmonie ne doit pas être une tour d’ivoire exclusivement réservée aux notables endimanchés, mais une maison ouverte à tous. Il faut donc aller chercher là où ils se trouvent ceux à qui jamais ne viendrait l’idée de mettre les pieds ici, quels que soient leur âge, leur origine sociale et ethnique.

Quand il arrive à Berlin en 2002, l’anticonventionnel Simon Rattle crée un vaste programme éducatif financé par la Deutsche Bank. Les musiciens de l’orchestre s’engagent et créent des ateliers dans les écoles des quartiers défavorisés, les maisons de retraite, les prisons, les banlieues très excentrées de Berlin.

Pour Simon Rattle, père de cinq enfants, il est primordial de ne pas «dégoûter à vie les enfants de la musique», ce à quoi les leçons de solfège traditionnelles excellent. Mais, bien au contraire, il s’agit de leur donner les moyens de découvrir leur propre créativité, accompagnés pas à pas par des professionnels de très haut niveau. Le projet de danse avec le chorégraphe Royston Maldoom a été immortalisé par le film Rhythm Is It. Deux cents élèves berlinois dansèrent Le sacre du printemps dans un immense hall de bus désaffecté dans le quartier de Treptow, sous la direction du maestro en personne. Depuis, les Philharmoniker ont mis l’accent sur le chant. Des chorales pour enfants ont vu le jour dans trois quartiers populaires de Berlin et, une fois par an, le Chœur des héros vocaux présente un opéra pour enfants dans la grande salle de la Philharmonie sous la direction de Simon Rattle.

«La musique peut changer la vie des gens!» aime répéter Simon Rattle. Les Berlinois vont regretter celui qui, pendant seize ans, a apporté la musique sur le pas de leur porte. Sir Simon quittera Berlin à l’automne 2017 pour reprendre la direction du LSO, l’Orchestre symphonique de Londres. Une mission qu’il n’a acceptée qu’à une condition: la construction d’une nouvelle salle de concert digne de la capitale britannique. Simon Rattle, marié à la mezzo-soprano tchèque Magdalena Kozena, avec laquelle il a trois enfants en bas âge, sera tout de même fidèle à Berlin. La famille restera basée dans sa villa berlinoise en pleine verdure.


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