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Musique: Sophie Hunger, comme un nouveau départ

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Jeudi, 16 Avril, 2015 - 05:58

Rencontre. Elle lit Agota Kristof, chante avec Eric Cantona et vient de découvrir Bowie. La chanteuse bernoise se révèle toujours aussi surprenante, à l’image de son cinquième album, «Supermoon».

Il est loin le temps où interviewer Sophie Hunger se révélait être un exercice périlleux. Certains se souviennent encore de sa froideur, voire de sa dureté, alors qu’ils s’étaient imaginé rencontrer une jeune folkeuse un peu timide.

Il y a trois ans, la Bernoise nous avouait qu’il ne s’agissait que d’une posture destinée à se faire respecter, à affirmer qu’elle n’était pas une révélation de plus, mais une artiste destinée à durer. Un statut que personne n’ose aujourd’hui lui contester, tant sa renommée a largement dépassé les frontières helvétiques.

Au point que le choré-graphe Philippe Decouflé lui a récemment proposé d’être l’une des trois voix de Wiebo, le spectacle-hommage qu’il a monté à la Philharmonie de Paris en marge de l’exposition David Bowie Is.

A l’heure où sort son cinquième album, Supermoon, Sophie Hunger apparaît plus décontractée que jamais, mais toujours aussi sûre d’elle. Ce nouvel enregistrement, qui a quelque chose de plus direct, de plus pop, même de plus psychédélique parfois, que les précédents, a vu le jour alors que la musicienne avait choisi de prendre le large. Enfin.

Studio analogique

Après des années de tournées quasi ininterrompues, elle publie en décembre 2013 The Rules of Fire, un coffret réunissant un documentaire, un livre et un enregistrement live. «Je ne l’avais dit à personne, mais j’avais envie de clore un chapitre, dit-elle. Décider de ne plus faire de concert a au début été une libération, comme si je démarrais une nouvelle vie.

C’était très bizarre mais cela m’a fait beaucoup de bien. Cependant, à un moment donné, il faut bien recommencer à jouer, à travailler.» C’est aux Etats-Unis que Sophie Hunger remet le pied à l’étrier. Débarquée en Californie sans but précis, passant d’un appartement Airbnb à un autre, elle se remet à composer.

A San Francisco, elle rencontre quelques musiciens qui l’emmènent dans le repaire de John Vanderslice, élégant songwriter qui a également produit des groupes comme Deerhoof ou Death Cab for Cutie. A peine entrée dans ce studio entièrement analogique, la Suissesse ressent le besoin d’y enregistrer quelques titres.

«Boum, boum, j’avais le cœur qui battait», mime-t-elle, enthousiaste. L’entente avec Vanderslice est telle que l’Américain la rejoindra plus tard à Bruxelles pour d’autres sessions.

Anglais, français, allemand. La chanteuse entremêle une nouvelle fois les langues, joue avec les mots et leur sonorité. «Cette histoire du français qui serait plus littéraire, tandis que l’anglais serait plus musical et l’allemand plus rugueux est quelque chose de purement culturel, tranche-t-elle.

Toutes les langues peuvent être rudes ou romantiques, c’est celui qui l’utilise qui décide de la façon dont elle sonne. Je ne crois pas à une hiérarchie, elles vivent toutes les trois de la même façon en moi.» Peu après, Sophie Hunger avouera néanmoins préférer le français, tout en ne se sentant pas assez à l’aise pour écrire de grands textes.

Elle est auteure-compositrice, selon la formule consacrée, mais s’imagine volontiers murmurer les mots d’un autre, à la manière d’un Stephan Eicher interprétant des textes écrits sur mesure par Philippe Djian.

Peut-être parce qu’il s’agit aussi d’une femme pour laquelle le français est une seconde langue, elle embraie alors sur Agota Kristof, écrivaine neuchâteloise d’origine hongroise qu’elle a récemment découverte et qu’elle compare à Dostoïev-ski.

Une preuve de plus de sa passion pour la langue de Brel, elle qui a enregistré une belle version de Ne me quitte pas, chanté Le vent nous portera de Noir Désir et interprète aujourd’hui, en duo avec Eric Cantona, La chanson d’Hélène, naguère gravée par Romy Schneider et Michel Piccoli pour la bande originale des Choses de la vie, le classique de Claude Sautet.

Disque de transition

Depuis qu’elle a entendu ce morceau, Sophie Hunger se demandait pourquoi les arrangements n’étaient pas plus sombres, l’atmosphère plus dangereuse. Elle avait aussi en tête l’idée de rendre la femme moins faible, moins vulnérable. «Mais il me fallait quelqu’un qui sache parler, ce qui est beaucoup plus difficile que de chanter.

Eric, que j’avais vu au théâtre et qui avait utilisé un de mes morceaux pour son film Les rebelles du foot, était le seul homme que je connaissais capable de faire ça naturellement.»

Au-delà de cet hommage à la musique de Philippe Sarde, la musicienne avoue ne pas être influencée par le cinéma. Lorsqu’elle compose, elle n’a pas d’images en tête, et ne se verrait pas accompagner ses concerts de projections visuelles. Sa musique parle d’elle-même, assure-t-elle.

Moins complexe que le superbe The Danger of Light de 2012, un album d’une folle richesse qui partait dans de multiples directions, entre folk, jazz, rock et cabaret, Supermoon s’impose finalement comme un disque de transition.

Même si elle avoue s’en sentir très proche, et concède qu’en effet il a quelque chose de plus direct, même si les morceaux ont été composés les uns après les autres sans penser à un ensemble cohérent, Sophie Hunger semble tiraillée entre l’envie d’éviter la redite et la peur d’une rupture totale. Mais c’est beau, une artiste qui se cherche. 


Trois jalons, Entre admiration et méfiance

Radiohead

«Je les ai découverts avec The Bends. Ensuite, j’ai acheté Pablo Honey, leur premier album, puis OK Computer. Et je me souviens d’avoir attendu dès 6 heures du matin devant un magasin de disques pour découvrir Kid A, en 2000. Au début, c’était une catastrophe, je n’ai pas du tout compris cette musique, au point de ne plus aller à l’école pendant deux ou trois jours. J’ai feint d’être malade pour pouvoir écouter ce disque en boucle. J’étais presque indignée de ne pas le comprendre, car je considérais vraiment Radiohead comme mon groupe préféré. Mais j’ai finalement réussi à entrer dans cet album qui m’a pour ainsi dire appris un nouveau langage musical, fondé sur des ordinateurs et des fréquences électroniques. J’imagine que j’ai ressenti avec Kid A ce que la génération d’avant a ressenti avec Pink Floyd. Dans cent ans, il y aura peut-être dans les musées un petit coin dédié à Radiohead.»

Bob Dylan

«Après Radiohead, j’ai commencé à écouter beaucoup de folk et de country. Je m’étais mise à fréquenter un bar de Zurich, le Helsinki, où se produisait un groupe de country et de highbilly qui m’a révélé un monde nouveau. Il m’a montré tous les vieux standards de l’Amérique du Nord des années 30-40, et grâce à lui j’ai appris beaucoup de choses. J’ai dans la foulée essayé de chanter moi-même des reprises de morceaux country, alors que cinq ans auparavant je pensais que c’était la musique la plus naze du monde. Je ne connaissais à ce moment-là pas du tout Bob Dylan, et quand on décide de partir à sa découverte, c’est presque comme un travail, tellement il y a de disques. Cela m’a pris quasiment deux ans… Je l’ai énormément écouté, surtout ses albums folk, et forcément cela a eu une influence sur mon premier album, Sketches On Sea.»

David Bowie

«Avant d’être contactée par Philippe Decouflé pour participer au spectacle Wiebo (présenté en mars à la Philharmonie de Paris, ndlr), je n’étais pas émue par David Bowie. Pour moi, c’était juste un mec qui change tout le temps de coupe de cheveux. Il était comme Madonna, mais avec un cerveau et du talent. Je n’arrivais pas à croire en lui, j’en avais même une image négative. Surtout de son côté androgyne, car j’ai toujours pensé que ce n’était pas respectueux de dire «je suis gay mais pas vraiment». Mais lorsque j’ai reçu cette proposition, je me suis dit qu’il devait y avoir derrière cette image quelque chose de substantiel, sinon il n’aurait pas eu cette carrière. En jouant et en chantant sa musique, surtout Heroes, j’ai alors trouvé un lien très fort. Les gens pensent que la musique, c’est quelque chose de spirituel, mais quand tu as les accords entre les mains, c’est beaucoup plus intense.» 

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Jordi Vidal
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