Pour des parents, il n’y a rien de pire que la mort d’un enfant. Pour Liliane, cette tragédie est d’autant plus difficile à surmonter que son fils vivait en Chine, qu’elle ne l’avait pas vu depuis des lustres. Consciente que son mari n’aurait jamais accepté de la laisser partir, et convaincue qu’elle doit effectuer ce voyage seule, la voilà qui s’envole pour le Sichuan afin de localiser la dépouille de son Christophe, que l’on n’apercevra que furtivement sur une photo.
Yolande Moreau est Liliane, le film a été écrit pour elle. Actrice physique et taiseuse, elle est la pierre angulaire d’un dispositif qui repose sur un soin de tous les instants apporté au cadre et une grande économie dans les dialogues.
«J’ai rêvé pendant des années de venir te voir ici», écrit cette mère brisée, consciente trop tard de n’avoir rien fait pour consolider un lien filial qui avait tendance à se déliter. Ecrire l’apaise, mais ne l’empêchera pas de s’effondrer lorsque, enfin, elle retrouvera la trace de Christophe et tombera, attirée par une chanson de Brel, sur ses amis chinois qui ont organisé une petite cérémonie en sa mémoire. Quel beau moment de cinéma.
Photographe qui signe là sa première fiction après le documentaire Le sens de l’âge, Zoltán Mayer réussit avec Voyage en Chine un film dont le maniérisme (jeu sur les vitres, les cadres dans le cadre et les reflets) ne fait que souligner la détresse de Liliane et sa difficulté première à comprendre cette culture que son fils avait faite sienne.
En tentant de donner corps à l’indicible, en filmant par exemple des mains plutôt que seulement des visages, il bouleverse avec pas grand-chose, et sans jamais chercher à provoquer l’émotion à tout prix.