C’est l’histoire d’un homme fasciné par une femme. Cet homme est un ancien juge désormais poète, la femme une héroïne de papier, personnage romanesque de Dans les années profondes de Pierre-Jean Jouve, puis figure centrale de ses poèmes Matière céleste.
La rencontre a lieu à la fin des années 60, lorsque Pierre-Alain Tâche ouvre, chez lui face au Léman, Dans les années profondes, qui raconte le drame d’Hélène qui, en mourant au faîte de la jouissance amoureuse, initie son amant Léonide au monde de la poésie.
Dès lors, l’obsession d’Hélène, femme aux seins petits, aux hanches larges et à la chevelure mousseuse, composée de trois amours de Jouve, «dont l’un au moins eut une fin tragique», ne se dément pas.
L’ombre d’Hélène est un livre dense, touffu, savant, obscur, cérébral, compliqué, mais un livre passionnant parce qu’il tente de toucher au plus vrai, au plus intime, ce qui se passe dans la psyché humaine lorsqu’elle est ainsi touchée par une figure poétique.
Pierre-Alain Tâche nous emmène dans sa propre œuvre poétique, inspirée à plusieurs reprises par Hélène, autant que dans les lieux géographiques où ses pas ont croisé à dessein ceux de Jouve et d’Hélène: le village de Soglio dans les Grisons, où se déroule le roman, Sils-Maria, lieu de villégiature de Jouve.
Il se demande avec curiosité, opiniâtreté, pourquoi cette femme le hante depuis toujours, pourquoi il a voulu la sauver, ce qu’elle révèle de lui, de sa vision de l’amour, de l’écriture, de la mort, en quoi elle a contribué à faire de lui un poète et non un romancier et pourquoi, enfin, ce vers de Jouve – «Que tu es belle maintenant que tu n’es plus» – l’émeut aux larmes. Il subodore qu’à travers cet archétype, c’est à une «quête de l’unité» qu’il aspire.
«L’ombre d’Hélène». De Pierre-Alain Tâche. Zoé, 140 p.