Zoom. Le cinéaste mexicain a réussi un joli hold-up en voyant son audacieux «Birdman» triompher aux oscars alors qu’il ne brosse pas Hollywood dans le sens du poil.
L’Academy of Motion Picture Arts and Science, dont les membres élisent les nommés puis les lauréats des convoités oscars, aurait pu sacrer une nouvelle fois le maître Clint Eastwood, dont American Sniper est en train de devenir le plus gros succès commercial de sa carrière.
Elle aurait pu récompenser l’audace indépendante de Richard Linklater, qui a travaillé douze ans sur Boyhood. Ou saluer la verve pop et cartoonesque de Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel, qui a reçu quatre accessits techniques), le militantisme d’Ava DuVernay (Selma) ou encore l’académisme ronflant de James Marsh (Une merveilleuse histoire du temps).
Mais rien de tout ça: c’est le Mexicain Alejandro González Iñárritu que l’académie nord-américaine a fait entrer dans l’histoire en décernant à Birdman ou (la surprenante vertu de l’ignorance) les statuettes du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario, tandis que son chef opérateur et compatriote Emmanuel Lubezki a reçu l’oscar de la meilleure photographie.
Quatre récompenses pour ce film certes donné favori, c’est à la fois totalement réjouissant et absolument surprenant.
Au bord de la schizophrénie
Construit autour d’une succession de plans-séquences virtuoses qui nous perdent dans les dédales d’un théâtre de Broadway et multiplient les ellipses, Birdman raconte le chemin de croix d’un acteur tentant, plusieurs années après avoir cartonné dans des films de superhéros, de mettre en scène une adaptation de Raymond Carver.
Riggan Thompson a le costume de l’ailé Birdman qui lui colle à la peau, il est au bord de la schizophrénie, mais rêve qu’on le voie enfin comme un grand comédien et non plus comme un has been courant derrière une gloire passée.
Contraint de devoir remplacer peu avant la première son partenaire, le voilà qui va devoir composer avec Mike Shiner, dont l’ego et l’instabilité menacent à tout moment de faire imploser la troupe qu’il a réunie.
A travers le duel que vont se livrer Riggan et Mike, ce sont deux conceptions du métier d’acteur qu’oppose Iñárritu. Riggan, qu’il a rendu plus troublant encore en le faisant jouer par Michael Keaton, qui lui aussi a passé par la case superhéros (les deux Batman réalisés au tournant des années 80 par Tim Burton), est un angoissé émotif dont les petites névroses l’empêchent d’avancer. Il a du talent mais ne sait comment l’exploiter.
A l’opposé, Mike fait partie de ces vaniteux flamboyants qu’une exubérance pas toujours contrôlée peut rendre brillants mais aussi menaçants, surtout lorsque, dans un souci de réalisme, ils ne veulent pas jouer, mais être leurs personnages.
Avec panache et virtuosité, même si la démonstration frise parfois l’ostentatoire, Iñárritu réussit une fable teintée d’ironie et d’une certaine dose de cynisme sur les vicissitudes de la vie de comédien, les aléas du rêve hollywoodien et les dommages collatéraux qu’il n’est pas sans causer.
Que l’industrie américaine ait plébiscité son film prouve qu’elle est peut-être consciente des maux qui la gangrènent, comme cette propension à multiplier les blockbusters aux budgets colossaux et les franchises à rallonge, au risque de mettre en péril des films plus fragiles, et par conséquent difficiles à financer.
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