Zoom. Le grand livre du rock regorge d’histoires de groupes dont les membres ont connu, en solo, des fortunes diverses. L’aîné des turbulents frangins tente, sur son second album, de rallumer le feu.
Janvier 1992-août 2009. L’histoire aura duré un peu plus de dix-sept ans. Elle s’est terminée aux portes de l’âge adulte lorsque deux éternels adolescents se battront une fois de plus, mais qui sera la fois de trop.
Entre ces deux dates, ce 17 janvier qui a vu Oasis se produire pour la première fois avec sur une même scène les frangins Liam et Noel Gallagher, et ce 28 août qui les verra se séparer définitivement peu avant un concert parisien, le groupe mancunien aura écrit un chapitre capital, un de plus, dans le grand livre du rock british.
Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’Oasis aura marqué son temps et eu une influence importante sur nombre de jeunes se rêvant en rock stars, et que la fratrie restera dans les annales autant pour son sens de la mélodie que pour ses mémorables dérapages, entre insultes, frasques diverses et variées et annulations brutales, comme lorsqu’ils quittèrent définitivement la scène du Paléo Festival en 2000 après une vingtaine de minutes seulement, à la suite du comportement certes puéril de quelques spectateurs, mais dans lequel ils auraient certainement pu se
reconnaître.
Parmi les tout grands
Comment survivre à Oasis, cette formation qui fonctionnait sur le modèle du yin et du yang et s’avérait boiteuse dès qu’un des Gallagher manquait à l’appel, ce groupe dont le deuxième enregistrement – (What’s the Story) Morning Glory? et son tube Wonderwall, 1995 – reste le cinquième album le plus vendu de tous les temps en Angleterre?
Liam et Noel ont chacun tenté de répondre à cette question. Le premier en embarquant avec lui tout Oasis, moins Noel, pour former Beady Eye, un groupe qui a récemment implosé après deux albums. L’ego du cadet a dû, on le devine aisément, gonfler plus que de raison sans son grand frère pour lui envoyer un pain et le recadrer de temps à autre.
L’aîné, lui, a choisi de faire croire qu’il n’était pas vraiment en solo, même si le High Flying Bird qu’il a décidé d’accoler à son nom – en pensant peut-être aux Bad Seeds de Nick Cave ou au Crazy Horse de Neil Young – ne fait guère illusion: c’est dorénavant lui le seul maître à bord.
Et comme c’était aussi lui le compositeur en chef à bord du vaisseau Oasis, c’est toujours un plaisir, à l’heure où il publie son second disque, de se laisser emporter par sa guitare frondeuse et ses refrains conquérants.
Rien à redire, inclinons-nous, l’ami Noel, qui en 2006 nous déclarait quand même être trop paresseux pour se lancer en solo, fait partie des tout grands songwriters que le Royaume-Uni ait connus. En exagérant un peu, disons qu’il est au rock ce que McCartney est à la pop, même s’il a toujours avoué préférer Lennon.
Abel et caïn au pays du rock
A Noel la mélodie, à Liam la puissance, comme si après la dissolution d’Oasis chacun était parti avec une moitié de ce qui a fait le succès planétaire du quintet. Avec Beady Eye, le chanteur à frange a tenté de combiner la grâce des Beatles et la rage des Stones, de sonner vintage, d’évoquer tant les swinging sixties que les plus sauvages seventies, qui ont passé en deux temps trois accords du glam au punk.
Mais le voici aujourd’hui on ne sait où, tandis que son frère s’apprête à défendre son nouvel enregistrement d’Europe en Asie, en passant par les Amériques.
A travers le destin d’Oasis, c’est toute l’histoire du rock qui est résumée. Une histoire qui fascine autant par les hymnes qui la jalonnent que par ses conflits, ses excès et ses morts. Une histoire qui a fait et fera toujours les titres de la presse spécialisée comme ceux des tabloïds. Liam et Noel, c’est Abel et Caïn au pays du sexe, drogue et rock’n’roll.
la ballade des puissants
Le deuxième album de Noel Gallagher et de son High Flying Bird s’intitule Chasing Yesterday, littéralement «chasser hier». Et le dernier morceau s’appelle The Ballad of the Mighty, «la ballade des puissants».
Avec à la guitare Johnny Marr, soit l’ancien guitariste des mythiques Smiths, un groupe qui fut aux années 80 ce qu’Oasis sera à la décennie suivante.
Tandis que Morrissey était la figure charismatique et adulée des Smiths, Marr était le gars d’à côté, que l’on remarque moins mais qui est la véritable âme du groupe, à savoir celui dont le cerveau est capable de structurer avec une folle aisance des mélodies instantanément hypnotiques. 2015 ou la revanche des oubliés.
«Chasing Yesterday». De Noel Gallagher’s High Flying Bird. Ignition/Phonag. En concert le 26 juin à Saint-Gall (Open Air).