Portrait. Ombretta Ravessoud mène à terme, avec émotion et énergie, la 15e édition du festival des Alpes bernoises concocté à quatre mains avec le défunt Thierry Scherz.
Rien ne prédisposait cette femme élégante, a priori très urbaine, à créer un festival de musique hivernal à Gstaad, dans les Alpes bernoises, et à lui assurer, depuis quinze ans, une assise et une réputation croissantes. Rien. Si ce n’est un goût prononcé pour l’indépendance, la liberté d’accompagner des projets et, surtout, une aptitude profonde à aller à la rencontre des autres et à établir avec eux des liens de confiance. Instigatrice et directrice des Sommets musicaux aux côtés de Thierry Scherz, âme artistique de la manifestation disparu prématurément en juillet dernier, Ombretta Ravessoud a repris en championne le flambeau d’une aventure qui, dès ses débuts en 2001, s’est voulue chaleureuse, conviviale et ouverte aux jeunes interprètes.
Démonstration par les maths
Rencontrée dans son bureau, claire cave voûtée au cœur de la Vieille-Ville de Genève qui se mue parfois en lieu d’exposition, Ombretta vit et partage une passion contagieuse pour tout ce qui touche à l’art. «Enfant, je voulais être artiste mais mes parents n’étaient pas d’accord… En plus, je ne savais pas dessiner», raconte-t-elle avec le sourire, de sa voix au débit rapide et au timbre mordoré. «Complètement Italienne», la jeune femme suit toutes ses études à Genève et, même si elle aime déjà les revues d’art et la littérature, se lance par défi dans les maths-physique «pour prouver qu’une fille pouvait faire autre chose»!
Ecole d’ingénieurs, EPFL, passage au CERN, Ombretta Ravessoud se retrouve ensuite engagée par le groupe industriel qui fournit les lignes des trains, dont celle du MOB (Montreux - Oberland bernois), lien mythique entre la Riviera vaudoise et Gstaad. Première coïncidence. D’autres vont suivre. Par chance, Ombretta Ravessoud croit aux coïncidences, aux rencontres, aux rendez-vous fortuits entre envie de bonheur et faculté à le détecter. Effectivement, elle épousera bientôt un Genevois qui connaît le Saanenland par cœur pour y avoir passé toutes ses vacances de gosse, dans un chalet de paysans de montagne: «Gstaad, pour moi, c’est devenu la montagne en famille, depuis plus de trente ans. Ce sont les balades, les cabanes, les champignons, la liberté de vivre en jeans et baskets, la simplicité dans les rencontres, que l’on croise des célébrités ou des inconnus. Une discrétion et un respect de l’autre qui m’ont toujours convenu.»
A la suite de la naissance de ses enfants, la trajectoire de l’ingénieure va prendre de nouveaux contours. Elle participe ponctuellement, mais intensément, à l’organisation d’événements sportifs, notamment à Crans-Montana puis à Genève. La voici définitivement contaminée par la passion de mettre en place le cadre dont les artistes ont besoin, qu’ils soient sportifs ou culturels, pour faire éclater leur talent. La femme au prénom ombré est devenue metteuse en lumière.
Sa rencontre avec Thierry Scherz, en 1999, tient dès lors de l’évidence. Ce natif de Gstaad, fils du propriétaire du Gstaad Palace, juriste, mélomane, producteur de concerts et de disques, l’entraîne dans la réalisation de son rêve: une manifestation consacrée à la musique et aux jeunes interprètes. Tandis qu’il s’occupe de la programmation, part à la découverte de nouveaux talents, elle gère le cadre, fait le lien entre mécènes et sponsors, accueille et réunit. Et édite en parallèle, depuis 2003, la revue suisse d’art et de culture Artpassions qui recourt à divers écrivains reconnus.
Et la voici maintenant face à cette 15e édition des Sommets musicaux qu’elle s’apprête à vivre avec une intense émotion. Le choix des artistes ainsi que de l’instrument mis cette année en évidence, la harpe, est signé Thierry Scherz, pour la dernière fois. Mais Ombretta Ravessoud est bien décidée à maintenir l’esprit «intime et familial» de ce festival des neiges.
Sommets musicaux de Gstaad. Du ve 30 janvier au sa 7 février. Concerts à Gstaad, Saanen et Rougemont. www.sommets-musicaux.com