Rencontre. Romain Puértolas, phénoménal «Fakir» en 2013, publie un second roman au titre long comme un jour sans pluie et confirme qu’il est désormais le boss des «feel good books» à la française.
C’est un joli jeune homme poli de 39 ans, 1 mois et 1 jour qui raconte des histoires délirantes mais que le monde s’arrache parce qu’elles font autant de bien qu’un rayon de soleil en hiver, un dîner aux chandelles ou un billet de train pour le paradis. Quand il était petit, Romain Puértolas faisait le clown pour amuser sa famille. Il voulait que ses parents, ses copains soient heureux. Il n’a jamais arrêté. Et depuis le succès délirant de L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea en 2013, c’est à la terre entière qu’il en fait. Il s’en excuserait presque, raconte les dizaines de manuscrits envoyés à tous les éditeurs possibles et imaginables avant que le Fakir ne tombe sous l’œil avisé des Editions Le Dilettante, célèbres pour avoir propulsé l’inconnue Anna Gavalda vers l’hypernotoriété.
Trop lisse pour être modeste, il égrène tous les métiers qu’il a exercés pour de vrai, comme traducteur-interprète d’espagnol et d’anglais, compositeur de musique de variété, animateur d’un programme d’anti-magie sur YouTube où il expliquait les trucs des grands magiciens jusqu’à se faire poursuivre par David Copperfield, nettoyeur de machines à sous à Brighton ou officier de police affecté à l’étude des flux migratoires clandestins aux frontières. Depuis la rentrée d’automne 2013, il est écrivain à plein temps, avec tout ce qui va avec. «Je suis écrivain depuis longtemps, depuis toujours. Maintenant, je suis un écrivain qui est publié et lu. C’est mieux. J’adore ce métier, l’écriture et tout ce qui va avec, la promotion, l’adaptation au cinéma du Fakir, les voyages, les rencontres.»
En publiant La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel, il confirme l’essai et se pose en roi du feel good book à la française. On pensait que seuls les Anglo-Saxons savaient le faire. Que nenni: ce mélange d’émotion, d’humour, de bons sentiments et de «positivisme-dans-l’épreuve» coule avec un naturel déconcertant sous sa plume. Cette fois, il raconte l’histoire de Providence, une factrice parisienne sexy qui a rencontré dans un hôpital marocain la petite Zahera, orpheline et atteinte de mucoviscidose au dernier stade. Providence décide d’adopter Zahera. Las. Le jour où elle part la chercher à Marrakech, un volcan islandais au nom imprononçable entre en éruption et empêche tous les avions de décoller. Providence ne peut pas attendre. Commence alors une course contre la montre et des aventures absolument farfelues pour s’envoler malgré tout.
10 000 vies
Au début, en épigramme, une citation de Boris Vian: «Cette histoire est entièrement vraie puisque je l’ai inventée d’un bout à l’autre.» A la fin, il y a une jeune morte, un amour brisé et deux fins: un happy end et aussi un «unhappy end», au choix. A la fin, on sait au moins une chose: l’amour donne des ailes.
Le fameux week-end du volcan, Romain Puértolas, alors en formation à l’Ecole nationale des officiers de police de Cannes-Ecluse, devait aller voir sa fiancée à Grenade. Il s’est retrouvé coincé à Paris, les agences de location de voiture prises d’assaut. En bus, en stop, il s’est débrouillé. «L’amour donne des ailes, vraiment. On a la vie qu’on se fait. Nous avons le remède en nous. Nous avons la solution.» Enfant, on lui reprochait d’être toujours dans la lune. «Le monde ne me plaisait pas. Je m’évadais en lisant Jules Verne. J’avais besoin d’un monde plus coloré. L’imagination est la faculté que nous avons de changer les choses. La lecture, l’écriture sont faites pour casser les frontières entre le réel et l’imaginaire. L’imagination n’est pas de la naïveté. Je suis parfaitement réaliste. On meurt tous, à la fin. Alors autant rendre les choses belles. Je suis utile à certaines personnes qui n’ont pas assez d’imagination.»
Il habite à Málaga avec sa femme, une Espagnole mère de ses deux enfants de 3 ans et 1 an. Il en aura 40 cette année. Il n’y pense pas. «J’ai déjà eu 10 000 vies. J’ai aimé, j’ai écrit, j’ai eu des bébés, mes livres sont lus. Je suis déjà immortel.»
«La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel». De Romain Puértolas. Le Dilettante, 290 p.