Nos humeurs ne lui font pas peur. Qui mieux que Patrick Morier-Genoud, avec son humour cabotin et sa délectation naïve, oserait écrire nos odeurs intimes, parfum chanterelles des sous-bois ou fruits de mer? Notre collaborateur publie aujourd’hui un recueil de ses réflexions,v(Ed. Stentor, 116 p.) pour raconter notre sexualité contemporaine, la rêver généreuse, décomplexée, gourmande et poétique. Une utopie, qui replace le charnel au centre, dans un monde consumériste et aliéné. Car notre homme, né en 1956, passé de la maçonnerie à l’imprimerie, puis au journalisme, est un joyeux autodidacte à la conscience politique éclairée, qui a probablement fréquenté autant les ashrams indiens que le cinéma Moderne (la salle X de Lausanne). Dans cet opus, aussi hétéroclite que sa biographie, il passe de l’adjectif ababouiné au nom propre Zwang (Gérard, un chirurgien français amoureux du beau sexe), revisite les mots, parfois rares, pour leur inventer de nouveaux usages (bref, fantasmer sur le vocabulaire). Mais il réagit aussi à l’actualité (des Google Glass à la Coupe du monde de football, des sexbox zurichois à l’orgasme méditatif anal). Il avait initialement déballé ce Lubric-à-Brac sur son blog de L’Hebdo, puis dans les pages du magazine. Avant qu’une avalanche de réactions de lecteurs ne l’empêche de continuer à coucher ses polissonneries sur papier. Philosophe, il s’en réjouit, et y voit un signe de sa subversion. Que lui reprochait-on? De parler du corps avec gaillardise, dans une société de plus en plus coincée. Car il ne faut pas confondre le vernis porno pas très chic qui dégouline abondamment ici et là – des clips de Rihanna aux petites annonces d’amour tarifé – avec la sexualité, la vraie. Evoquer franchement nos désirs et nos plaisirs, c’est une autre paire de manches. Aussi, l’écriture de Patrick Morier-Genoud, impudique et charnelle, spirituelle et terre à terre (rabelaisienne donc), est plus que recommandée. Mieux que la gym pelvienne: à pratiquer sans modération.
