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New York: magique et frénétique

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Jeudi, 11 Décembre, 2014 - 05:52

Dossier. Héritier d’une ville qui n’a jamais été si prospère, si luxueuse, le nouveau maire démocrate Bill de Blasio veut redonner leur place aux New-Yorkais d’en bas. Plongée dans cette cité des paradoxes. Urbaine survoltée, elle rêve d’un front de mer; en mouvement perpétuel, elle vénère ses sanctuaires, du mythique Central Park aux vieux comptoirs des «diners».

Dossier réalisé par Philippe Coste et Axel Gyidén
Reportage photo Natan Dvir / Polaris

Philippe Coste

Dans la ville verticale, sa silhouette immense est aussi familière que celle de l’Empire State Building. Haut de 2 mètres, Bill de Blasio, maire de New York depuis janvier, offre à ses 9 millions d’administrés un avatar humain de leur horizon de gratte-ciels, une envergure qui trouble le protocole du City Hall – réglé pendant douze ans à l’aune du 1 m 60 de son prédécesseur, Michael Bloomberg –, en exigeant le transport d’un pupitre géant pour chacun de ses discours officiels et d’un marchepied pour ses compagnons de tribune. Dont la pétillante Chirlane McCray, son épouse, haute comme trois pommes mais déjà érigée, à ses côtés, en égérie de la nouvelle Big Apple.

Leur couple a pu faire jaser, et pas seulement à cause de leur comique différence de taille. L’alliance d’un escogriffe germano-irlandais, fils d’un chômeur alcoolique et d’une militante de toutes les causes sociales, et d’une femme noire qui a défrayé la chronique pendant la campagne en confirmant sa vie passée de lesbienne, s’apparente depuis le premier jour à l’aberrante normalité new-yorkaise. Quant à leurs enfants métissés aux prénoms italiens, Dante, le bon élève à coupe afro, et Chiara, avec ses piercings et son passé de défonce, ils évoquent bien plus les succès et les soucis d’une middle class bigarrée que les week-ends aux Bermudes et l’hôtel particulier de Bloomberg à l’angle du Museum Mile.

La métamorphose

De Blasio rechignait tant à quitter sa petite maison de Park Slope, à Brooklyn, qu’il a fallu une campagne de presse pour le forcer à emménager en famille à Gracie Mansion, la résidence officielle du maire, sur les bords de l’East River. La crainte de paraître snober le New York d’en bas obsède toujours ce fleuron de la gauche américaine, politicien de carrière passé par toutes les administrations clés de l’Etat de New York, mais fort mal à l’aise, quand il dirigeait l’équipe électorale de la sénatrice Hillary Clinton, dans les cénacles cossus de l’establishment démocrate. Pour avoir fondé sa campagne de maire sur la lutte contre les inégalités, d’après la thématique du fameux Conte de deux cités, la riche et la pauvre, inspirée du livre de Dickens, ce progressiste doit maintenant se colleter avec la réalité.

A commencer par le bilan de son prédécesseur: la ville n’a jamais été aussi belle, ambitieuse et cossue depuis son âge d’or, au début du XXe siècle. Times Square explose toujours de lumières, pour le bonheur des touristes. Et ceux qui croyaient que la fête new-yorkaise avait décampé à Brooklyn, dans les concerts monstres du fabuleux Barclays Center, peuvent explorer la nuit du Lower East Side, mué en nouvelle frontière branchée de Manhattan. Partout, les tombereaux de dollars venus des bonus de Wall Street et, surtout, une décennie de grands travaux immobiliers lancés par Bloomberg ont contribué à la métamorphose urbaine.

Bloomberg, en dictateur éclairé, se souciait assez de la santé et de la qualité de vie des New-Yorkais pour leur interdire la cigarette et bannir les graisses hydrogénées de tous les restaurants. Il leur a aussi offert le grand air. Le chapelet de parcs publics qui bordent maintenant l’Hudson, les aménagements superbes à Brooklyn et dans le Queens, au bord de l’East River, la révolution verte qui touche le Waterfront, le fameux front de mer de la métropole, ont été construits essentiellement sur fonds privés, comme la devanture du plus grand projet immobilier de l’histoire de la ville. Mais ces dizaines de milliers de nouveaux appartements avec vue imprenable sur l’estuaire résoudront-ils la crise du logement des classes moyennes new-yorkaises, déjà contraintes de dépenser parfois plus de la moitié de leur salaire dans leur loyer? Bloomberg a obtenu que 20% du nouveau parc immobilier soient déclarés «abordables». Son successeur, par principe, exige 30%.

Les déconevenues

Elu pour défendre la cause de la middle class et des plus modestes dans une ville de plus en plus dévolue aux plus hauts revenus, Bill de Blasio, faute de pouvoir relever les impôts, joue avant tout sur les signes et les symboles. S’il a effectivement réalisé un de ses projets de campagne – ouvrir aux enfants de la ville des classes de maternelle gratuites, une mesure vécue comme un miracle par ses administrés –, ses premières mesures, en matière scolaire par exemple, ont consisté à maltraiter les établissements indépendants, des charter schools promues par son prédécesseur et jugées trop élitistes, pour donner la primeur budgétaire aux écoles publiques fréquentées par le plus grand nombre. Le tollé, chez ses propres électeurs, l’a contraint à faire machine arrière.

A déshabiller John pour vêtir Paul, le maire en est quitte pour quelques déconvenues. Devait-il par exemple, au nom de la lutte contre les inégalités, s’en prendre à une icône? Son projet de 130 millions de dollars d’investissement dans les petits espaces verts de quartiers oubliés du Bronx et du fin fond du Queens exige que les monuments du même genre, des lieux aussi nantis que Central Park ou Riverside Park, offrent à ces laissés-pour-compte 20% des donations qu’ils reçoivent de mécènes privés. La direction de Central Park fulmine. Le joyau de Manhattan, qui a reçu en 2012 un chèque de 100 millions d’un hedge fund de Wall Street et dépense 44 millions par an en frais de fonctionnement, menace de licencier du personnel…

Bloomberg, pourtant, n’avait pas démérité en investissant 6 milliards de fonds publics dans la verdure, a fortiori dans les projets les plus visibles comme le Brooklyn Bridge Park et la splendide High Line, étendue depuis septembre jusqu’à la 34e Rue. Le milliardaire a aussi contribué de sa poche, à hauteur de 650 millions, aux attractions culturelles, menacées par la baisse des budgets municipaux. Plus encore: pour avoir financé lui-même ses trois campagnes, le titan de Wall Street n’avait de comptes à rendre à personne. Bill de Blasio n’a pas cette chance. Son élection sonne le retour des terribles arguties politiques de New York.

On a pu sourire de la première controverse de son mandat, due à sa promesse d’interdire les légendaires calèches de Central Park au nom de la souffrance des chevaux de trait. L’appui des puissantes associations de protection des animaux lui avait été précieux dès sa campagne de primaire contre sa rivale démocrate, Christine Quinn, résolument «pro-calèches», favorable au tourisme et à la survie du small business. Voilà aujourd’hui le nouveau maire en butte aux attaques de l’acteur Liam Neeson, fervent défenseur du métier, et surtout du syndicat des teamsters, qui représente, outre les camionneurs américains, nombre de cochers de Midtown.

La vie à City Hall n’est plus de tout repos pour qui veut concilier ses idéaux de gauche et la sécurité d’une mégapole. Si impressionnant soit-il, le bilan de 333 meurtres l’année dernière représente la moitié de celui de 2001, résultat de la croisade sécuritaire du féroce Rudy Giuliani, et est le plus bas depuis cinquante ans! De Blasio, un démocrate toujours inquiet d’apparaître faible face au crime, a rappelé à ses côtés le célèbre Bill Bratton, police commissioner de Giuliani et artisan du miracle des années 1990. Mais les temps ont changé. Populaires après les attentats du 11 septembre, les cops, omniprésents dans les quartiers à risque et donc pauvres, attisent, par leur tolérance zéro pour les petites infrac-tions, le sentiment d’injustice né des inégalités new-yorkaises. La mort d’un vendeur de cigarettes de contrebande lors de son interpellation, en juillet dernier, a consommé la rupture entre le NYPD et les habitants les plus défavorisés, électeurs de Bill de Blasio. D’autant que le policier responsable de la strangulation vient d’être disculpé par un grand jury. Il reste à l’élu de tous les symboles à montrer qu’il peut réconcilier ses deux cités.


«Se souvenir du 11 septembre»

Disons-le: le Musée du 11 septembre, ouvert le 21 mai sur le site du Mémorial (inauguré, lui, en 2011), est une réussite. Pas de gran­dilo­quence, le ton juste et une muséographie impeccable. On y pénètre comme dans une salle d’embarquement: en commençant par les formalités de sécurité, avec le passage des sacs à main, ou à dos, au scanner. Des gestes identiques à ceux des passagers détournés… Premier musée du genre ouvert à l’ère de l’électronique et de la téléphonie mobile, le 9/11 Memorial Museum projette les visiteurs au cœur de la tragédie grâce à des documents sonores saisissants. On peut ainsi entendre la voix du terroriste Mohamed Atta annoncer aux passagers: «L’avion est détourné. Restez assis et rassurez-vous. Nous allons nous poser à New York.» A l’opposé de ce cynisme infâme, les messages laissés par les passagers du vol  93 (celui qui s’est écrasé dans la campagne) sur les répondeurs téléphoniques de leurs proches vrillent le cœur: «Je veux que tu saches que toi et les enfants, je vous aime…» Il y a aussi, derrière un paravent, une série de cinq photos de désespérés plongeant dans le vide. Accrochées en hauteur, elles obligent le visiteur à lever la tête, comme s’il assistait à la scène en direct. On ne ressort pas indemne du 9/11 Memorial Museum. Que le courage commande pourtant de visiter.

New York en décembre, de la folie?

Frénétique, électrique, vertigineux… Les adjectifs se bousculent lorsqu’il s’agit de décrire New York. Il en est toutefois un qui se démarque à l’approche des fêtes de fin d’année: féerique. Goûter à cette magie? Tout est encore ouvert, à condition de se dépêcher. Dès la mi-novembre, les prix prennent rapidement l’ascenseur. Un point reste toutefois intangible: préférez Noël à Nouvel An car, dès la fin de décembre, les tarifs tant de vol que d’hôtel passent du simple au double. Alors, plus concrètement, cela donne quoi?

Les plus aisés gardent le choix, tandis que les budgets moins confortables partiront plutôt aux alentours du 23 décembre et reviendront à la veille de la nouvelle année, afin de profiter des derniers vols disponibles autour des 600 francs. Côté logement, pas d’inquiétude. A un mois du départ, il est encore possible de trouver des offres raisonnables. Certaines sans que cela surprenne, à l’image des appartements ou chambres Airbnb, dont les prix partent autour de 90 francs par nuit. Et d’autres auxquelles on ne s’attendrait plus à une période si prisée: quelque 200 francs la nuit, via Booking, pour un trois-étoiles en plein cœur de Times Square (Element Times Square West) ou pour un quatre-étoiles le long de Madison Avenue (The Roger) et à quelques pas de Central Park (Empire Hotel).


Sommaire:

Central Park, monument à ciel ouvert
Manhattan cow-boy
Le Lower East Side au plus haut
Devine qui vient au «diner»
Un cœur qui bat rouge
Croquer dans la Grosse Pomme
 

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É. THAYER/REUTERSTHE PICTURE DESK/AFP
N. SETCHFIELD/THE ART ARCHIVE/THE PICTURE DESK/AFP
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