Rencontre. Amis à la ville, les deux comédiens sont à l’affiche de «La French», un ambitieux et réussi polar racontant la croisade menée par le juge Michel contre la French Connection.
Ils sont potes, ont tourné ensemble dans l’ampoulé mélo Les petits mouchoirs et dans le film à sketchs Les infidèles, dont ils ont même coréalisé l’un des épisodes. Les voici aujourd’hui à l’affiche de La French, un ambitieux polar qui les voit pour leur plus grand plaisir jouer au gendarme et au voleur. Plus précisément au juge et au mafieux: Jean Dujardin est Pierre Michel (1943-1981), juge d’instruction incorruptible parti dans le Marseille des années 70 à l’assaut d’un vaste cartel de narcotrafiquants. Gilles Lellouche est Gaétan «Tany» Zampa (1933-1984), un parrain dont l’un des plus hauts faits d’armes sera d’exporter son héroïne aux Etats-Unis.
«C’était évident à la lecture du scénario que le film serait intéressant», s’emballe Gilles Lellouche dès qu’on lui fait part de notre enthousiasme à découvrir un long métrage français ambitieux sans être dans l’imitation ni la reconstitution toc, construit autour de plans-séquences laissant beaucoup d’espace aux comédiens. «Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais quand je lis un roman et qu’au bout de 40 pages je ne suis pas happé par l’univers de l’écrivain, j’arrête. Avec les scripts, c’est la même chose, je sais au bout de 40 pages si je ferai le film ou non. Là, je l’ai lu d’une traite. Et j’ai été pris par la richesse des dialogues, par la dramaturgie. Le film était tellement bien écrit qu’il m’était impossible de ne pas le faire.»
Ne pas jouer la fonction
Il se trouve que le comédien est alors en vacances avec Jean Dujardin. «Lis-le, il y a quelque chose», lui lance-t-il. C’est ainsi que les deux Français se retrouvent quelques mois plus tard sur la Côte d’Azur pour commencer le tournage de La French sous la direction de Cédric Jimenez, un enfant de Marseille dont le père possédait un restaurant et club de jazz à côté d’un bar tenu par le frère de Tany Zampa. Le scénario de son deuxième long métrage, deux ans après Aux yeux de tous, il l’a ainsi écrit à partir de témoignages de première main, recueillis auprès de la famille du gangster et des témoins qui ont connu de l’intérieur la croisade menée par le juge Michel pour faire tomber ce qu’on a appelé la French Connection.
Des personnages complexes
Comment interpréter un personnage réel? Cette question, elle s’est imposée à Jean Dujardin et à Gilles Lellouche, comme ils nous l’ont expliqué lors de leur venue à Lausanne pour une projection en avant-première du film.
Le premier, qui connaissait dans les grandes lignes l’histoire de Pierre Michel, s’est préparé en rencontrant des témoins directs lui permettant de comprendre en profondeur qui il était vraiment. «J’ai tout entendu, raconte-t-il. Que c’était un homme froid et cynique, ou au contraire quelqu’un de très chaleureux qui était beaucoup dans l’ironie. En revanche, les termes téméraire, pugnace et courageux revenaient souvent. A partir de là je me suis fait ma propre idée, mais sans jamais tenter d’interpréter la fonction, car je ne serai jamais magistrat. On reste dans un film, à moi d’inventer mon propre juge. Je n’étais pas là pour jouer un personnage réel, mais pour le faire vivre en lui prêtant mes émotions.»
Gilles Lellouche n’avait quant à lui jamais entendu parler de Zampa. La violence comme les grandes figures du banditisme ne l’intéressent pas. Comme son copain et Cédric Jimenez, il a commencé par rencontrer des proches de son personnage, avant de faire sa cuisine, comme il dit. «J’ai surtout essayé d’être le plus honnête possible, le plus proche de la réalité, et de rendre compte de la complexité de ce personnage qui aurait aimé faire partie des notables de Marseille. Plus je m’efface derrière mes rôles, plus je suis heureux.» Et d’expliquer que, pour s’imprégner des années 70, il a revu les mélos de Sautet, tandis que Jean Dujardin avoue avoir puisé chez Verneuil et Melville.
«La French». De Cédric Jimenez. Avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche et Céline Sallette. France, 2 h 15.