Sur la pochette, une image tirée de «Song of Love», film de 1947. Katharine Hepburn et Paul Henreid incarnent le couple Schumann. Puis vient le portrait des interprètes bien réels de cet enregistrement au contenu magnifique et personnel, Nurit Stark et Cédric Pescia, unis en musique comme dans la vie: «La deuxième sonate de Schumann est un coup de cœur incroyable que nous partageons depuis que nous jouons ensemble, depuis treize ans, explique le pianiste. Nous voulions l’enregistrer en lui associant des œuvres, même méconnues, mais de l’ordre de l’intime.»
La figure de Clara s’est imposée, elle qui – épouse solidaire d’un être nerveusement fragile et bientôt interné, mère de nombreux enfants, pianiste célèbre et respectée par les musiciens phares de son temps – rêvait de composer mais n’a pu le faire que par bribes, en cachette, sur du temps volé. Ainsi, après l’enchevêtrement passionné et foisonnant de la deuxième sonate de Robert Schumann, véritable cœur du disque, les interprètes font la place aux Trois romances de Clara, pages expressives, finement tissées, jouées comme on chuchoterait des confidences, et qui débouchent sur les Märchenbilder pour alto et piano de Robert, très proches de l’esprit mélodique de Clara. Les œuvres datent de la même période (vers 1850), parenthèse de répit dans le couple Schumann avant que tout bascule.
«Nous nous sommes plongés dans leur correspondance et leurs journaux intimes et voulions rendre compte de l’univers de ce couple», glisse Cédric Pescia. La tendresse et le respect pour ces deux créateurs, l’un au sommet de son art, l’autre en discret chemin qui demeurera inabouti, s’entendent au travers d’une interprétation qui rend compte des excès comme de la retenue, dans une étroite fusion des voix, des élans et des nuances.
Nurit Stark et Cédric Pescia forment un couple dans lequel chacun garde son autonomie artistique. La violoniste est très active sur la scène contemporaine et celle du théâtre musical, le pianiste continue son exploration du répertoire, de Bach à Schumann. Dans cet enregistrement, ils montrent pourtant leur parenté de pensée, d’esthétique et de timbres. Et ils saluent les interprètes visionnaires qui, il y a cent cinquante ans, ont suscité ces compositions. Parmi eux Joseph Joachim, seul à avoir démontré que le concerto de Beethoven était jouable, et Clara, elle aussi musicienne de l’impossible.
«Clara & Robert Schumann ». Par Nurit Stark, violon et alto, et Cédric Pescia, piano. Claves. Parution mi-janvier. Concert du Trio Stark dans des œuvres de Sollima, Schoenberg et Schubert. La Chaux-de-Fonds, salle Faller. Di 7, 17 h. En direct sur Espace 2. www.musiquecdf.ch
