Au début de l’histoire, Olivier, dessinateur vieillissant et blasé, est seul. A la fin, il est de nouveau seul devant son verre de blanc. Entre les deux, une parenthèse enchantée, un fantasme réalisé, un voyage express dans l’envers du monde: celui d’Anna, une jeune étudiante sexy et peu farouche dont il tombe amoureux et qui l’emmène en visite chez sa tante, au fond de la campagne française, qui vit dans le très particulier «village des femmes».
Là-bas, les femmes dirigent tout, et les hommes n’y sont tolérés qu’à condition d’être accompagnés par des femmes qui se portent garantes d’eux. Ils se maquillent, portent robes et perruques, ne traînent pas dans les rues et veillent à la bonne tenue de la maison. Pendant ce temps, les femmes passent des heures au café, font de la politique et s’occupent de leur libido avec de petits mignons entretenus. Olivier se plie avec curiosité et bonne volonté à ce carcan matriarcal qui n’a, de loin, pas que des inconvénients. Jusqu’au jour où un groupe de mâles opprimés se révolte pour inverser l’ordre des choses… Il perd Anna, et le goût de vivre en même temps.
Cet irrésistible premier roman graphique de Wolinski, 80 ans, né à Tunis en 1934, mari de Maryse depuis 1971, dessinateur et caricaturiste star de Charlie Hebdo, Hara-Kiri, Libération, L’Humanité ou du Nouvel Obs, mêle ses talents d’observateur des changements de mœurs de son siècle à son goût immodéré de la chair et des plaisirs, ses facilités goulues de dessinateur à son verbe limpide, marrant et charnu.
Ode à la liberté féminine, potacherie mélancolique et sérieuse, Le village des femmes fait écho à son précédent, et hilarant, Les droits de la femme (et de l’homme). Testant la résistance des modèles hommes-femmes contemporains, il ne cesse de répéter le leitmotiv wolinskien: et le plaisir, bordel.
«Le village des femmes».
De Georges Wolinski. Le Seuil, 130 p.