Robert Carsen, on le sait, est un metteur en scène diablement intelligent. Sa manière de représenter Rigoletto le prouve une fois encore. Le drame de Verdi se joue sous le chapiteau d’un cirque – espace de spectacle, de prise de risque, parfois léger, rêveur, angoissant, surtout atemporel. Le comte de Mantoue dispose évidemment d’une loge privilégiée de laquelle il domine, jauge les numéros de ses sujets et dont il n’hésite pas à descendre lorsque les femmes artistes sont décidément trop belles. Le bouffon Rigoletto est un clown, il joue de son cynisme qui ne fait rire personne. Sa fille Gilda devient, le temps d’un air où la raison bascule, une troublante trapéziste des sentiments amenée à chanter plusieurs mètres au-dessus du sol, se balançant près des cintres. La métaphore du cirque entraîne certaines incohérences passagères. Elles importent peu, compensées par le ballet des corps virevoltants des artistes, les corps objets, les corps menacés. OSR et chœurs, menés par Alexander Joël, entourent magnifiquement les chanteurs de ce Rigoletto qui, scéniquement, marquera les mémoires.
Genève. Grand Théâtre. Ve 12, ma 16, 19 h 30. Di 14, 15 h. www.geneveopera.ch