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La critique de Julien Burri: spectacle Didier Charlet et son prêche infernal

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Jeudi, 4 Septembre, 2014 - 05:55

Le Théâtre Boulimie se mue en temple pour une «cérémonie» célébrée par Jean-Gabriel Cuénod, bouillonnant diacre fomenté par Didier Charlet. Le prêche a été écrit en collaboration avec Vincent Kucholl et Vincent Veillon, qui avaient déjà invité «le chef spirituel de la cure de Chastavel» (paroisse vaudoise inventée de toutes pièces) à se produire avec succès dans l’émission 120 secondes sur Couleur 3. Si le personnage peine à passer à la forme longue, son potentiel reste énorme. Il faudra compter désormais avec son sourire condescendant et diabolique dans le paysage des humoristes romands. Car des Jean-Gabriel Cuénod, nous en croisons tous dans notre vie, un jour ou l’autre. Comme une mauvaise conscience, il reste perché sur notre épaule et instille la bêtise dans nos cerveaux.

Revenons à nos brebis égarées. A coup de psaumes, le diacre remet de l’ordre dans la société. Il était temps. Intime de Dieu, dont il reçoit un coup de fil, il fait l’apologie du capitalisme sauvage, et entame la prière de l’actionnaire: «Donne-nous aujourd’hui nos dividendes quotidiens.» Il parle de sa passion pour la chasse, les Hummer et les dogs argentins. Misogyne, il traite Eve de «bedoume» (a-t-on idée d’écouter les paroles d’un serpent?). Puis Jean-Gabriel Cuénod enfonce le clou, ou plutôt le pieux, invitant ses fidèles à dénoncer et à «soigner» les abominables sodomites, chanson à l’appui: «Dieu a créé ton cucul pour faire caca. Pas pour être le berceau de ton péché.»

C’est une bonne idée de faire participer le public, de l’englober dans son discours en lui faisant chanter des «psaumes». Mais la caricature est si forcée qu’elle touche peu. Plus subtil, plus pernicieux, il pourrait faire plus mal encore, le diacre Cuénod, se faufilant dans nos préjugés pour les pourfendre de l’intérieur. Car pour qu’il soit plus redoutable encore, donc plus drôle, il faudrait que nous retrouvions, en lui, une part de nous-mêmes. Ô, Jean-Gabriel, puisses-tu nous exorciser avec plus de sévérité encore, sans nous confire dans notre bien-pensance de bobos!

«Hosanna! Dans la Joie. Une cérémonie de Jean-Gabriel Cuénod».

Par Didier Charlet, mise en scène Antonio Troilo. Du 2 au 13 septembre au Théâtre Boulimie, Lausanne. Puis en tournée en Suisse romande (à Genève, Morges, Tavannes, Yverdon-les-Bains, Délémont et Pully). www.chastavel.ch

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