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Derrière les films et grandes séries télé: l’écriture

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Jeudi, 14 Août, 2014 - 06:00

Demeure toujours cette dialectique vaine qui tend à opposer la qualité et le succès. Lorsqu’un film ou une série de télévision dépasse un certain niveau d’entrées ou d’audience, ce serait bien évidemment en raison d’une supposée démagogie, d’une facilité générale, réputée paresseuse souvent, vulgaire et plus populiste que populaire. Le plus idiot des sophismes consiste alors à imaginer que la proposition inverse est la vraie: combien de cinéastes font ainsi marotte de leurs échecs publics, les portant en sautoir comme autant de preuves d’un art revendiqué sans concession au commerce.

Il était ainsi passionnant, et plutôt rassurant, d’écouter Fernand Melgar s’exprimant à Locarno à propos de son nouveau documentaire, L’abri (lire en page 58). Ce film fera parler, agacera ou troublera, comme avant lui La forteresse ou Vol spécial. Mais Melgar en parlait avec lucidité et intelligence quand il rappelait, interrogé par le 19:30, que le cinéma, quelle que soit son intransigeance, était d’abord un «spectacle» destiné à conquérir un public. Le cinéaste ne le disait pas comme une grossièreté; plutôt à la façon d’une heureuse contrainte, de celles qui obligent à épurer, acérer, trouver une ligne directrice forte à votre travail créatif: une écriture.

Quand il s’agit dès lors d’expliquer pourquoi les séries télévisées venues principalement d’Amérique ont un tel succès auprès du public suisse et international, il serait avisé de faire la même remarque: elles sont formidablement bien écrites. Souvent d’ailleurs par un collectif d’auteurs (lire le décodage de Clément Bürge en page 6) travaillant ensemble dans le sens d’un projet où il s’agit à la fois de plaire et d’innover, de peaufiner personnages complexes, répliques miraculeuses et montage malin, parfois sous la houlette d’un fameux écrivain ou réalisateur. Car s’il s’agit de dater le moment de cette formidable révolution qualitative des séries d’outre-Atlantique, c’est aux sidérants épisodes de Twin Peaks, en 1990, et au génie de David Lynch qu’il faut remonter. Ce talent, cette force de l’écriture, cette manière de ne plus considérer la télévision comme un petit écran, mais bien comme une autre manière de cinéma contemporain, font aujourd’hui encore constater en soupirant que True Detective ou Breaking Bad, c’est tout de même moins ballot que Julie Lescaut ou Camping Paradis.

On objectera que les marchés ne sont pas les mêmes. Que les chaînes américaines spécialisées dans la diffusion de séries peuvent se battre en jouant sur plusieurs tableaux, avec des programmes très familiaux et d’autres, plus pointus, destinés à un public exigeant. C’est vrai, mais cela n’explique pas tout, et surtout pas la difficulté, en Europe ou en Suisse, à affronter courageusement l’immédiat, l’ombre et le réel dans nos séries télévisées. A quand un House of Cards au Palais fédéral?

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