Photographie. Un luxueux ouvrage concentre le meilleur du magazine de la société américaine de géographie créé en 1888 et au regard toujours teinté des valeurs de son propre pays.
C’est un regard très américain sur le monde, un œil chargé de talent, maîtrise, candeur et valeurs made in USA. Longtemps, depuis sa création en 1888, le magazine de la société américaine de géographie a montré comment le pays se considérait lui-même et les vastes étendues étrangères. Cette idéalisation a été symbolisée pendant des décennies par l’emploi fréquent, par les photographes du magazine, de la pellicule Kodachrome: un film couleur au rendu extraordinaire, mais aux teintes un rien trop optimistes, bigger than life.
Bien sûr, ce regard sur le voyage, la faune, la flore, l’histoire et la culture a évolué vers des points de vue plus critiques sur l’environnement, la géopolitique, la santé, la science. Dans le même temps, le légendaire magazine au cadre jaune a multiplié les éditions internationales (33 aujourd’hui) avec succès, notamment pour sa version en langue française. Reste que son tirage global sur papier diminue, victime lui aussi de la concurrence du web, du déclin de la publicité, du changement des habitudes de lecture. Le mensuel montrait le sphinx de Gizeh, les indigènes de Micronésie ou les poissons multicolores sous la mer pour la première fois à ses lecteurs. Puis il s’est adapté à l’essor du tourisme de masse et de la télévision avec des sujets toujours plus pointus, toujours plus étonnants, réalisés par les meilleurs photographes de la planète. Comme Steve McCurry et sa fameuse icône, la petite fille afghane aux yeux clairs, en couverture du numéro de juin 1985. La rédaction de Washington donnait et donne encore aux photographes le luxe suprême: le temps (plusieurs semaines ou mois de reportage).
Pour les 125 ans du magazine, les Editions Taschen ont puisé dans les 11 millions d’images des archives du National Geographic. Trois superbes volumes qui privilégient le XXe siècle, surtout les années 30 à 60. Dans le tome «Europe et Afrique», la représentation de la Suisse tient en une dizaine de photos anciennes, souvent mises en scène, très Ballenberg avant l’heure.
Le tirage de l’ouvrage, tout de même vendu 550 francs, est «limité» à 125 000 exemplaires dans le monde. Ce qui en dit long sur la réputation toujours intacte de la revue de géographie.