Bande dessinée. La Genevoise Léonie Bischoff vient de réaliser pour Casterman l’adaptation de «La princesse des glaces», célèbre roman noir suédois. Portrait d’une jeune auteure qui monte.
Erik Freudenreich
Pour préparer son troisième album de bande dessinée, Léonie Bischoff n’a pas hésité à braver le froid hivernal de Fjällbacka. La petite ville suédoise n’a pourtant pas très bonne réputation. Depuis quelques années, une vague de crimes sans précédent s’est abattue sur cette paisible cité balnéaire: viols et meurtres sordides s’y enchaînent à vitesse grand V. Heureusement, ces crimes ne sont que de papier: la responsabilité en incombe à Camilla Läckberg, la reine du roman policier scandinave. Les polars de cette économiste de formation, qui se déroulent tous à Fjällbacka, s’arrachent aujourd’hui dans le monde entier. Traduit en plus de trente langues, La princesse des glaces, premier volet des enquêtes policières menées par l’écrivaine Erica Falck et l’inspecteur Patrik Hedström, vient d’être retranscrit avec brio en bande dessinée grâce au coup de crayon de Léonie Bischoff.
De Lancy à Bruxelles
L’histoire de Léonie débute à Lancy, dans le canton de Genève. Sa vocation pour la BD est née tôt: les dimanches de pluie de son enfance, elle les passe avec un album ou une feuille de dessin entre les mains plutôt que devant la télévision. «Mes parents m’ont transmis le goût de la lecture et du dessin, grâce aux illustrations qu’ils réalisaient pour accompagner les histoires racontées à ma sœur et à moi-même», se rappelle la jeune trentenaire. En 2002, après sa maturité artistique, elle intègre la section bande dessinée de l’Institut Saint-Luc à Bruxelles, ville qu’elle a définitivement adoptée avec son compagnon, également dessinateur BD, avec qui elle a cofondé l’atelier Mille. A la fin de sa formation, elle traverse un moment «difficile». «Mon dessin n’était pas encore suffisamment professionnel et je n’étais pas préparée aux démarchages nécessaires pour trouver un éditeur.»
A force de persévérance, la Genevoise finit par rejoindre l’aventure Manolosanctis. Cette petite maison d’édition parisienne, précurseur de la bande dessinée sur l’internet, lui donne l’occasion de participer à des ouvrages collectifs et de sortir un premier album en 2010, Princesse Suplex, l’histoire d’une secrétaire bien tranquille qui se transforme en catcheuse le week-end venu… Les personnages féminins au fort caractère constituent le fil rouge de la carrière de la dessinatrice.
Léonie Bischoff se voit ensuite donner carte blanche par le directeur de la collection KSTR de l’éditeur belge Casterman. Le résultat: Hoodoo darlin’, l’aventure d’une apprentie sorcière vaudoue, Adèle, qui emmène le lecteur aux fins fonds des bayous de la Louisiane. «Je m’intéresse aux histoires de vaudou et de possession depuis mon adolescence. Je redoutais la critique car mon scénario n’était pas si original, mais les échos dans la presse spécialisée ont été plutôt positifs!»
de Bruxelles à Fjällbacka
La talentueuse dessinatrice enchaîne avec l’adaptation du premier roman La princesse des glaces, parue en janvier de cette année, tirée à 20 000 exemplaires, également chez Casterman, et réalisée en collaboration avec le scénariste français Olivier Bocquet. C’est avec lui qu’elle a sillonné la Suède, en hiver: «Après quelques silences gênés pendant le trajet en voiture, nous nous sommes heureusement découvert plein de références communes», sourit la jeune femme. La visite de la ville natale de Camilla Läckberg s’est révélée déterminante. «Fjällbacka est un lieu à l’atmosphère très particulière. Ressentir le froid et les lumières de l’endroit nous a permis de nous approprier l’univers du roman.»
Camilla Läckberg a laissé une liberté d’adaptation complète à Léonie, se contentant de faire une remarque concernant les traits des visages des personnages, jugés «trop marqués» dans une première version. L’adaptation sera suivie l’année prochaine par un deuxième tome, Le prédicateur. Pour l’heure, une trentaine de planches sont déjà finalisées: «L’ambiance sera très différente du premier volet car l’histoire se déroule en plein mois d’août. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de retourner en Suède mais j’ai profité de l’adaptation du livre réalisée par la télévision suédoise et des prises de vue de Google Street View pour me documenter.» Un troisième tome est déjà à l’agenda pour 2016.
Leur première, et seule, rencontre à ce jour a eu lieu ce printemps à l’occasion du festival Quais du polar, à Lyon. Camilla a trouvé le livre «très beau, très suédois».
«La princesse des glaces».
De Léonie Bischoff et Olivier Bocquet. Casterman, 128 p.