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A Chillon, Hugo Bonamin en chasseur de fantômes

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Jeudi, 24 Juillet, 2014 - 05:59

Exposition. Jeune peintre montreusien passé par Paris, Buenos Aires ou Calcutta, Hugo Bonamin dresse une vingtaine d’impressionnants portraits de visiteurs fameux passés par le château de Chillon.

On aura d’abord le tort de chercher des références. Francis Bacon évidemment, en tarte à la crème de cet art du mouvement fixé et tremblant, l’organique et la chair mêlés. Et cette inquiétude aussi, une angoisse diffuse et juste, une violence belle des âmes, écarquillées dans les regards. Devant d’autres portraits, on pensera à Willem de Kooning – justement cité par Marco Costantini dans la préface du catalogue (édité par art press) de l’expo – pour ces visages furtifs, ce flou comme arrêté dans l’espace.

Surtout, il s’agit de s’oublier et de saluer là un travail prometteur et impressionnant. Hugo Bonamin, aux origines à la fois montreusiennes et argentines, est un peintre né en 1979. Paris ensuite, atelier Poussin, Ecole du Louvre, rencontre décisive, aussi, avec un anatomiste qui lui fait alors saisir et ressentir la poétique du corps, devenant centrale dans son œuvre. Passages enfin par Londres, Buenos Aires (il y reste six ans), l’Inde et désormais un retour sur la Riviera vaudoise.

Ses portraits fantômes exposés depuis début juin au château de Chillon sont étonnants. Bonamin évite les pièges: avec une sorte de name dropping sur cimaises de vedettes de jadis passées par Chillon, la collection avait tout pour finir en anecdote. Mais c’est le contraire qui se passe. Cette peinture aux apparences immédiates (s’approchant, on cherche d’abord bêtement à reconnaître qui est peint) fait ici œuvre de sensation et de redécouverte. Cet art de la superposition, couches des portraits s’additionnant, facettes s’ajoutant, fait réapparaître ces fantômes, les rapproche, en fait deviner des secrets, des folies, des vérités que chacun se raconte ensuite à sa manière.

Traces fortes

C’est le talent de cette peinture ouverte. Elle laisse au regard sa liberté de voir une exaltation ou une terreur chez Courbet, une sévérité ou une mélancolie infinie chez Nabokov. Et Henry James: fou ou juste perdu? Victor Hugo: romantique et dur en même temps. Byron: transfiguré parce que la poésie, défiguré parce que Chillon fut sa prison. C’est une balade entre des fantômes, oui, mais c’est aussi un chemin des vivants, puisqu’il en reste des traces si fortes.

Avec Hugo Bonamin, le château de Chillon s’essaie aussi cet été, pour la première fois, à l’expostion personnelle d’un jeune artiste en devenir. La magie des lieux fait le reste, et le thème s’y prêtait absolument, né d’une recontre fortuite, il y a deux ans à Montreux, entre Bonamin et Jean-Pierre Pastori, directeur de la Fondation du château de Chillon jusqu’à l’automne prochain. C’est ce dernier, qui avait déjà publié divers mémoriaux d’artistes ayant transité par Chillon, qui a suggéré à Bonamin d’en tenter cette version picturale. Sa réussite est dans l’émotion que ces portraits dégagent: celle d’«illustres visiteurs» qui passèrent à Chillon non en touristes, mais en cherchant alors l’inspiration et les rêves du romantisme.

Hugo Bonamin. «Portraits fantômes».
Du 6 juin au 26 octobre. Château de Chillon. www.chillon.ch.

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Hugo Bonamin, d’après Gustave Courbet
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