Thomas Hirschhorn n’a pas un job facile. Qu’il expose son travail au Centre culturel suisse à Paris, et voilà que les parlementaires à Berne taillent dans le budget de Pro Helvetia, en raison du ton critique de Hirschhorn envers la même Helvetia. L’artiste suisse n’a pas plus de chance avec le New York Times, qui vient d’étriller son actuelle installation du Bronx. Hirschhorn a construit l’un de ses «monuments», comme il les appelle modestement, dans un parc du quartier de New York. C’est un ensemble de pavillons de bois aggloméré, de scotch et de plexiglas dédié à la mémoire du philosophe communiste italien Antonio Gramsci, emprisonné sous Mussolini. La construction accueille les écrits de Gramsci, mais aussi une station de radio, un snack-bar, une scène de théâtre et de musique.
Lorsque le journaliste du New York Times a visité le monument, un dimanche pourtant, il était mollement fréquenté. Les plus jeunes avaient détourné les ordinateurs sur des jeux vidéo plutôt que sur les écrits de Gramsci. Le quotidien posait la question du sens de ce geste artistique, financé par une riche fondation américaine, dans un coin défavorisé de la grande ville. L’installation de Hirschhorn, qui sera démontée en septembre, intéressera-t-elle les habitants du Bronx? S’en souviendront-ils? Ou ne sera-t-elle préservée que «dans la mémoire de l’art élitaire comme juste une autre œuvre de M. Hirschhorn, un autre monument à son monumental ego»? Et voilà: à trop user du bois aggloméré, on récolte du bois vert.