Zoom. Le héros créé il y a plus de cinquante ans par Goscinny et Sempé revient pour la deuxième fois au cinéma. «Le Petit Nicolas» est avant tout une saga littéraire au succès phénoménal.
A l’heure de l’invasion programmée des Vacances du Petit Nicolas sur les écrans, c’est avant tout le formidable succès des livres publiés au début des années 60 par René Goscinny et Jean-Jacques Sempé qui interpelle. Directeur des Editions IMAV et époux d’Anne Goscinny, la fille de l’auteur et scénariste à qui l’on doit aussi, jusqu’à son décès en 1977, l’excellence des dialogues des albums d’Astérix et Lucky Luke, Aymar du Chatenet explique ce succès de manière très pragmatique.
Même si Nicolas peut sembler anachronique à un lecteur du XXIe siècle, il incarne «une enfance idéale, celle qu’on a aimée ou qu’on aurait aimé avoir. Dans le monde entier, les adultes comme les enfants se reconnaissent dans le Petit Nicolas. Car dans toutes les classes du monde, il y a un premier, Agnan, un dernier, Clotaire, un élève favorisé qui a un papa très riche, Geoffroy, un bon copain qui mange tout le temps, Alceste, ou encore un bagarreur, Eudes. Dans leurs livres, Sempé et Goscinny nous racontent le monde à hauteur d’enfant. Un monde où les coups de poing ne font pas vraiment mal, où les insultes ne portent jamais vraiment à conséquence, et où les disputes entre papa et maman finissent avec une tarte aux pommes plutôt qu’avec un divorce. Le Petit Nicolas, c’est une sorte d’éden de notre enfance.»
Un fonds à faire vivre
Et l’éditeur de citer cette formule de Sempé et Goscinny: «Nicolas était déjà démodé quand nous l’avons créé, il est donc indémodable!» Pour Aymar du Chatenet, Le Petit Nicolas est non seulement une œuvre en partie autobiographique, Sempé et Goscinny y ont injecté de nombreux souvenirs de leur scolarité, effectuée dans les années 30, mais aussi un conte, d’où son succès intemporel et intergénérationnel. Il va même plus loin: «Le Petit Nicolas est devenu un grand classique.» Un statut qui ne se conteste guère devant l’ampleur du phénomène: la série s’est écoulée à quelque 15 millions d’exemplaires, pour des ventes annuelles s’élevant à une moyenne de 300 000 livres depuis 2004, date de parution d’une série d’histoires inédites. «C’est d’ailleurs un vrai challenge, en tant qu’éditeur, de faire vivre ce fonds tout en développant de nouveaux projets, comme des traductions en langues régionales françaises. On pourrait même imaginer faire cela pour la Suisse.»
Actualité oblige, ce sont différents titres en lien avec le film Les vacances du Petit Nicolas qui ont envahi les librairies, comme une novélisation, un livre d’activités ou encore un album reprenant les principaux gags imaginés par les scénaristes. Lesquels, tout comme le réalisateur Laurent Tirard, ont fait preuve d’un respect certain de l’œuvre originelle, qui n’est ni trahie ni dénaturée ou actualisée. On retrouve dans Les vacances du Petit Nicolas, même si, exigences commerciales obligent, le monde des adultes est plus présent, ce qui fait le sel des livres, à savoir un humour tendre doublé d’une fine observation du monde de l’enfance.
En bonne place dans les écoles
Qu’on se rassure, d’hypothétiques nouvelles histoires ne sont pas à l’ordre du jour. «On entend le préserver tel qu’il est, assure Aymar du Chatenet. Il existe aujourd’hui 222 histoires réparties en quatorze volumes, ce qui prouve que Le Petit Nicolas écrit par Goscinny et dessiné par Sempé se suffit à lui-même.» Mais il faudra se battre, lorsque la médiatisation inhérente au film ne sera plus qu’un lointain souvenir, pour rester en bonne place dans les rayons des librairies, où les héros anglo-saxons sont très présents, dit le directeur d’IMAV Editions. Qui peut au moins compter sur un soutien de poids: le Ministère de l’éducation nationale, qui recommande Le Petit Nicolas pour l’apprentissage de la lecture.
«Les vacances du Petit Nicolas».
De Laurent Tirard. Avec Mathéo Boisselier, Valérie Lemercier et Kad Merad. France, 1 h 37.