Pour sa nouvelle production de Carmen, qui marque les 20 ans du Festival Avenches Opéra, Eric Vigié a conçu une mise en scène qui prend totalement en compte le lieu et le contexte des arènes, de nuit. L’opéra de Bizet n’est donc pas ici une célébration de l’Espagne, de ses couleurs éclaboussantes, de son soleil brûlant. C’est l’histoire d’une rencontre entre deux êtres débutants en amour qui vont éprouver l’intensité de leur découverte et d’un combat passionnel inégal dans des lieux éclairés aux flambeaux, autour d’un vrai feu, en présence d’une clarté lunaire splendide ou, au dernier acte, dans un soleil couchant qui fait pleuvoir des pétales de roses. Pas trace de folklore scénique ou visuel dans cette Carmen. Le parti pris de placer les personnages dans une Espagne ouvrière des années 60, simple, sobre et sans apparat, souligne mieux l’excès des sentiments incandescents qui vont mener à une mise à mort réciproque: par son désamour juvénile et déterminé, Carmen tue en effet don José bien plus sûrement et cruellement que lui ne la tuera de son poignard.
La Carmen d’Avenches est belle, qu’elle soit incarnée par Béatrice Uria Monzon, qui la chante depuis longtemps, ou par Noëmi Nadelmann, qui fait ici une prise de rôle. Mais elle ne minaude pas. Elle fascine, provoque et contredit les stéréotypes par son indépendance dénuée de toute manipulation. Carmen cherche véritablement son double, son égal, un partenaire aussi intransigeant qu’elle. Elle veut aimer un résistant, un fort et fier. Par amour et par malheur, le voici qui sombre dans la dépendance, une faiblesse banale qu’elle ne lui pardonne pas.
En jouant d’éclairages sans outrance, comme s’ils préservaient un secret, la production d’Avenches sort Carmen de son livre d’images. Elle fait surtout du lieu et de la nuit les fidèles alliés d’un récit musical qui se suffit quasiment à lui-même.
Avenches. Arènes. Les 4, 5, 6, 8, 11 et 12 juillet, 21 h. www.avenchesopera.ch ou 026 676 06 00
Renseignements le jour de la manifestation: sur le site ou au 0800 10 10 20.