Il faut faire simple, avec Vince, à la façon de son chant du cygne rock. C’est-à-dire répéter sans cesse que ce ne fut que cela, dès le début: un chant du cygne à la première note. Anglais, élevé en Amérique, célébré en France (le fin nez d’Eddie Barclay), Brian Holden, dit Vince Taylor, est devenu une légende au premier concert, puis a tout foutu en l’air en deux ans.
Ce fan de Gene Vincent habillé de cuir noir enregistre son premier disque en 1958, puis son seul vrai tube l’année suivante: Brand New Cadillac. Mais il est plus sauvage que tous les autres, Elvis compris: déhanchements, bad boy, acide, concerts qui virent à l’émeute. Il inspirera Bowie pour son Ziggy.
Il existait déjà des livres sur l’ange noir du rock’n’roll. Mais celui de Fabrice Gaignault, Vies et mort de Vince Taylor, est le meilleur jamais publié. Parce que ce n’est pas juste une biographie. Plutôt le récit, la quête de quelque chose de sacré et de fascinant entre lui et Vince, rien de moins. Gaignault, déjà responsable d’un fameux Dictionnaire de la littérature à l’usage des snobs, aurait très bien pu pondre un volume sur le rock à l’usage des mêmes, où Vince aurait été le roi. Car c’est un culte secret et absolu qu’il raconte, écriture tendue, haletante et éperdue. La descente brutale de Vince dans la folie (il se prend pour saint Matthieu), les derniers concerts, terribles, pathétiques, la fuite avec sa femme, avant de venir crever – c’est le seul mot possible – à Lutry, bord du Léman, été 1991, cancer des os, 52 ans. Avant que même son monument au cimetière disparaisse… Alors voilà, c’est un livre volume à fond sur une vie à fond, et ça finit supermal. De temps en temps, quand on repasse un vieux rock de Vince Taylor et ses Playboys, on entend monter cette dinguerie, le truc pas carré, en train d’imploser à l’intérieur de lui. Le livre de Gaignault raconte ça magnifiquement.
«Vies et mort de Vince Taylor».
De Fabrice Gaignault. Fayard, 226 p.