Performance. Le metteur en scène suisse fait le tour du monde avec «Remote X», une pièce interactive qui interroge notre rapport au virtuel.
A découvrir cette fois au Festival de la Cité, à Lausanne.
Stefan Kaegi n’aime pas le théâtre. Le théâtre «classique», pour être précis. Un jour, il est allé voir une pièce de Tchekhov, et il s’est beaucoup ennuyé. Cette soirée a pourtant déclenché sa vocation. «Une femme a commencé à tousser dans le public, des spectateurs se sont plaints. Ils lui ont demandé de sortir, elle a refusé. Ce conflit était plus intéressant que ce qui se passait sur scène!», se souvient le Soleurois, de passage à Lausanne pour organiser les représentations de sa pièce Remote X. Une pièce dont vous êtes le héros.
Une Voix toute-puissante
Stefan Kaegi, avec le collectif Rimini Protokoll, est devenu une figure phare du théâtre contemporain documentaire. Les spectateurs du Théâtre de Vidy ont déjà eu l’occasion de découvrir son approche avec Airport Kids, qui faisait monter sur scène les enfants d’employés de multinationales. Ou Mnemopark, dans lequel des passionnés de modélisme octogénaires occupaient la scène.
Cette fois, la scène est une ville, Lausanne. Cinquante spectateurs, équipés d’oreillettes, seront guidés par une voix synthétique. Une voix qui dirige, commente, pose des questions, perturbe. Le départ sera donné au cimetière de Prilly, deux fois par jour. Le parcours se terminera «quelque part au-dessus des toits de Lausanne». L’itinéraire est encore secret. Il varie de ville en ville, mais comprend des passages obligés: église, théâtre et cimetière.
Les spectateurs devront s’entraider pour participer à une sorte de mission. Mais c’est surtout leur regard sur la ville, leur lien avec le groupe et avec le virtuel qui seront interrogés. «Les ordinateurs prennent des décisions pour nous. On leur fait confiance. Ce n’est pas négatif, mais on oublie parfois combien ils téléguident notre vie.»
Mieux qu’un jeu vidéo
Bangalore, Vilnius, Avignon, Berlin, Vienne, Bâle ou encore São Paulo… Le Suisse adapte sa pièce Remote X dans le monde entier. Il revient de Saint-Pétersbourg: un théâtre en a acheté les droits pour la programmer pendant quatre ans.
C’est une approche ludique. Même si la voix peut se révéler autoritaire. Impossible de ne pas penser à l’ordinateur Hal (L’odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke). Une voix qui précise qu’elle est «sans visage, sans yeux, sans bouche et sans lèvres». Et dira, avec malignité: «As-tu pensé que tu seras malade? Moi, je ne le suis jamais.»
Pourtant, ce n’est pas tant le virtuel qui fascine Stefan Kaegi que son impact. «Ce qui m’intéresse, c’est le vivant», explique le metteur en scène. Journaliste de formation, il aime confronter, sans agressivité, les spectateurs avec des réalités qu’ils n’avaient pas soupçonnées: le trafic des armes, la vie des travailleurs des call centers en Inde… Toujours par l’intermédiaire de «vraies gens», même si le mot n’a pas de sens pour lui. Son terrain de jeu, c’est le monde. D’ailleurs, ce qu’il aime, pendant ses loisirs, c’est faire de la bicyclette dans des villes inconnues. «Je ne demande rien au GPS, pas de destination, je dérive.» C’est peu commode, de rouler à bicyclette tout en regardant un ordinateur. Mais «c’est mieux qu’un jeu vidéo».
«Remote Lausanne». De Stefan Kaegi. Festival de la Cité, Lausanne. Du 3 au 12 juillet, deux fois par jour. Gratuit, mais réservations obligatoires. www.festivalcite.ch