Il n’a rien changé à Haïti, mais Haïti l’a changé. Cela fait dix ans que le journaliste suisse Arnaud Robert se rend régulièrement sur l’île. Le Nouvelliste, seul quotidien haïtien, lui a ouvert ses colonnes pour des chroniques reprises ici en recueil. On voit la patte d’un écrivain dans cette évocation des ruines du Palais national, de secrètes fêtes vaudoues ou de plats cuisinés à base de viande de chat. Loin des clichés, et sans prendre une position en surplomb, comme tant d’autres Blancs, Arnaud Robert aborde la réalité par les détails, les cicatrices. Par l’épiderme, pas par les méninges. Ces descriptions mélancoliques séduisent. Elles parlent autant de nous que d’eux, de l’impermanence due au climat, d’un effondrement perpétuel, que d’une furieuse envie de vivre et de créer. Un regard précieux. «Je ne crois pas à la désagrégation. Je crois au chambardement, aux avatars, au déguisement, à la transmutation, toutes choses dont Haïti, depuis des siècles, est devenue l’experte.» Le Romand fait de l’île un reflet de la civilisation, «miroir limpide du monde tel qu’il devient». Il n’est pas venu pour sauver, il est venu pour aimer.
«Journal d’un homme blanc».
D’Arnaud Robert. L’Aire, 215 p.