Danse. Le chorégraphe genevois Foofwa d’Imobilité présentera quatre pièces au Théâtre de Vidy (deux reprises et deux créations) et s’apprête à occuper l’Orangerie, à Genève. Rencontre avec un fou dansant.
Il porte un nom fabuleux, créé de toutes pièces. En 1998, à 29 ans, Frédéric Gafner a décidé de s’appeler Foofwa d’Imobilité. Une boutade lancée par un de ses camarades, alors qu’il était danseur chez Merce Cunningham. Un nom qui semble unir les notions de vitesse et de statisme. Quoi de mieux pour un danseur? Car Foofwa ressemble à une onomatopée de bande dessinée, qui dirait le mouvement. Au nom d’un chaman qui deviendrait, tour à tour, le vent, un faune, Michael Jackson, un mouton ou Pina Bausch. Autant d’avatars que le chorégraphe met en scène dans ses pièces et ses performances. «Je n’ai pas envie de dire d’où vient ce nom. J’aimerais que chacun invente une histoire à ce sujet.»
Paradoxalement, celui qui revisite inlassablement l’histoire de la danse avait besoin de faire place nette. De couper, peut-être, sa généalogie (ses parents étaient danseurs). D’être un hapax, quelque chose qui n’avait jamais existé avant lui. Il dit d’ailleurs chercher de «nouveaux mouvements». «Par le travail et l’intuition, il faut cheminer jusqu’à une île inconnue et partager notre découverte avec les spectateurs. Il y a toujours une possibilité d’ajouter quelque chose à ce qu’il y a eu avant nous.»
Foofwa aimerait pouvoir entrer en scène, un soir, sans savoir quoi faire. Etre dans une ouverture totale à ce qui se passe en lui. «On ne joue pas, sur scène, on est soi-même. Comme quand on se brosse les dents. C’est Cunningham qui a introduit cette rupture dans l’histoire de la danse.» Foofwa a été élevé à la dure chez le chorégraphe américain. «Chez lui, on était surmenés, on était des chevaux!» se souvient-il. Aussitôt il rit, piaffe. Dans son studio de répétition genevois, il imite Michael Jackson arrivant aux enfers. Ou Merce, le grand, pendant ses répétitions. Mystérieuse transsubstantiation des âmes: il change de posture, de voix.
Des histoires en mouvement
Foofwa est discipliné mais foufou: un faune qui n’hésite pas à se mettre à poil sous les projecteurs. Il a trouvé son style en télescopant one man show et danse contemporaine. Un peu gogo danseur parfois, poète souvent: il raconte des histoires en mouvement.
A Vidy, il reprend ce mois deux pièces, dans le prologue voulu par le nouveau directeur, Vincent Baudriller: Musings et Pina Jackson in Mercemoriam. La première rend hommage à Cunningham. Dans la seconde, Foofwa incarne successivement Michael Jackson, Pina Bausch et Merce Cunningham, «trois figures majeures de la danse, disparues en 2009». Puis il y aura deux créations, pour la saison prochaine: Au contraire et Les renards des surfaces. S’y ajoute une pièce à l’Orangerie, à Genève, cet été, Soi-même comme un autre, pour des danseurs avec handicap de la compagnie Danse-habile. Et le lancement, sur trois ans, d’un vaste projet: Utile/inutile, qui verra la création d’une compagnie de jeunes danseurs travaillant sur l’histoire de la danse. Foofwa continue de creuser son sillon, farouchement indépendant mais gardien de la tradition. Et avec humour. Comme si Coluche, qu’il admire tant, était devenu danseur étoile.
A découvrir
Quatre spectacles à découvrir au Théâtre de Vidy: Musings, 11 et 12 juin 2014; Pina Jackson in Mercemoriam, 13 et 14 juin 2014; Les Renards des surfaces, du 12 au 17 septembre 2014; Au contraire, du 20 au 31 janvier 2015. S’y ajoute Soi-même comme un autre, au Théâtre de l’Orangerie, à Genève, du 22 au 26 septembre 2014.