Quantcast
Viewing all articles
Browse latest Browse all 4553

L’été 39, à jamais

Jeudi, 25 Juillet, 2013 - 05:57

Robert Merle se souvient de son «Dernier été à Primerol» avant la guerre, et le reste. Bouleversant.

En 1939, Robert Merle ne sait pas qu’il passe son dernier été au paradis. Au Rayol, village méditerranéen accroché aux contreforts du massif des Maures, le jeune doctorant, tout juste papa et frais marié, se baigne au clair de lune, lézarde sur le plongeoir, regarde sa femme s’étirer sous la tonnelle et dort nu sous la moustiquaire.

En août, il est mobilisé en tant qu’agent de liaison de l’armée française. En 1940, il est arrêté par les Allemands et envoyé au stalag à Dortmund puis en Prusse-Orientale. Il y passe trois années faites de travail forcé, de privations, de maladies et d’une faim lancinante. En 1941, il demande par courrier du papier à sa mère et commence à écrire les souvenirs chers pour ne pas oublier la vie d’avant. Il est rapatrié en 1943, termine sa thèse sur Oscar Wilde, est nommé professeur, se remarie une, puis deux fois avant de devenir en quelques années le plus grand romancier de littérature populaire en France. On se souvient de Week-end à Zuydcoote, Prix Goncourt 1949, La mort est mon métier, tous deux inspirés par la guerre, Malevil, Madrapour ou les treize volumes de la série Fortune de France, spectaculaire fresque historique traversant le XVIe et le XVIIe siècle.

A sa mort en 2004, à l’âge de 95 ans, ses enfants découvrent la centaine de feuillets inédits, écrits au crayon de bois très fin, dans sa propriété des Yvelines. Merle a conservé le texte depuis toutes ces années mais n’y a jamais fait allusion et il n’écrira jamais directement sur son expérience du stalag. Touchés autant que l’éditeur Bernard de Fallois, ils décident de publier ce qui est de fait le premier écrit littéraire de Robert Merle.

A mi-chemin entre le récit autobiographique et la nouvelle, Dernier été à Primerol est un petit livre éblouissant et bouleversant. Il s’ouvre par un chapitre saisissant sur la faim qui hante les prisonniers du stalag avant de basculer dans le temps heureux des souvenirs, des petits-déjeuners avec son amoureuse et du dernier été avant la tragédie. On y croise Eugénie, sa mère, Edmée, sa première épouse. L’enfant est Elisabeth, née en 1936, seule enfant du couple et aînée des six enfants de Robert Merle. Le narrateur s’allonge sous le plongeoir au milieu des garçons et des filles bronzés, fraie avec les vacanciers de Pologne ou d’Allemagne dont le visage s’assombrit au fur et à mesure des nouvelles données par la TSF. Au bar-tabac, les anciens lancent «Vous verrez, vous verrez» aux jeunes mobilisables en buvant leur pastis. Lui ne veut pas savoir, s’enfuit sur son kayak naviguer au large. Sobre, pudique, nostalgique, cette ode au bonheur fragile tire le rideau sur un monde qui ne sait pas qu’il est en passe de disparaître à jamais.

«Dernier été à Primerol». De Robert Merle. De Fallois, 122 p.

Mots clés: 
Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Image may be NSFW.
Clik here to view.
Lapi|Roger-Viollet
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination visible

Viewing all articles
Browse latest Browse all 4553

Trending Articles