Jean-Louis Aubert met en musiquedes poèmes de Michel Houellebecq. Surprenant!
C’est en allant, il y a quelques mois seulement, acheter son paquet de clopes au kiosque que Jean-Louis Aubert tombe sur le best-seller de poésie de Michel Houellebecq, Configuration du dernier rivage (Flammarion, 2013). Il l’ouvre au hasard, lit rapidement quelques textes, et comprend vite qu’il y a là matière à chansons. En deux jours, pas moins de huit poèmes sont mis en musique par le chanteur et guitariste, pionnier du rock français avec Téléphone et passionné depuis longtemps par Michel Houellebecq, lauréat du Goncourt 2010 pour La carte et le territoire.
Dix jours au total auront suffi pour transposer les mots, tantôt délectables, tantôt irritants, en musique douce et légère. Il faudra huit mois supplémentaires de travail en studio avant la sortie de l’album. Pour ce faire, la rencontre entre les deux artistes est devenue obligatoire. Et c’est avec un simple e-mail qu’Aubert demande à Houellebecq: «Est-il possible que le chanteur chante le poète? Puis-je donner des ailes à vos mots?» La réponse est favorable, l’écrivain se dit fier d’être une source d’inspiration, quelle qu’elle soit.
Inspiration. Michel Houellebecq en a donné à plus d’un. Carla Bruni, Iggy Pop, Bertrand Burgalat ou encore le groupe allemand Helium Bola ont tous mis en chanson des textes du poète. Mais c’est donc un album entier que l’auteur d’Un autre monde consacre aux œuvres de Houellebecq. Seize textes, la plupart tirés du dernier ouvrage du poète, qui trouvent un souffle nouveau, deviennent légers alors qu’ils pouvaient être difficiles à la lecture. Inversement, ces mots tenaces, parfois d’un réalisme cru, donnent à Aubert une complexité qu’on ne lui connaissait pas. Comme un échange de bons procédés entre les deux hommes, dont l’entente, presque improbable, semble aujourd’hui une évidence. Comme s’ils avaient chacun trouvé son alter ego.
«Le résultat est très bien et je n’ai rien eu à faire. Donc c’est parfait!» a livré le poète dans l’un des teasers publiés sur la Toile. Isolement, Sant’Engracia et Novembre, les trois premiers clips, sont déjà visibles sur le Net.
Orchestrés par le talentueux Jean Lamoot, collaborateur de Noir Désir et d’Alain Bashung, les alexandrins de Houellebecq sont accompagnés du rock tendre et suave que l’on aime tant chez Aubert. Tel un ovni musical, cet album, Aubert chante Houellebecq - Les parages du vide, hybride, fait une synthèse percutante entre chanson et poésie.
Houellebecq avait tenté à plusieurs reprises de se mettre à la chanson, notamment en collaboration avec Bertrand Burgalat ou Jean-Claude Vannier. Le résultat, une cata prétentieuse, ressemblait plus à une expérience ratée qu’à l’invention d’un rockeur. Dans Isolement, premier extrait de l’album de Jean-Louis Aubert, Houellebecq, hirsute et vieilli, se contente d’un astucieux clin d’œil sur la vidéo, histoire d’adouber Aubert. Tant mieux. L’ex-chanteur de Téléphone joue aussitôt la bonne carte en restant sur son territoire pop rock acidulé: pour un peu, il ferait passer Houellebecq pour un parolier optimiste.
«Aubert chante Houellebecq - Les parages du vide» de Jean-Louis Aubert. Sortie le 14 avril.