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Se taire à voix haute

Jeudi, 27 Mars, 2014 - 05:59

La Neuchâteloise Claudine Gaetzi reçoit le Prix de poésie C. F. Ramuz 2013.Elle est publiée par les Editions Empreintes, qui fêtent leurs 30 ans.

A l’âge de 2 ans, Claudine Gaetzi a cessé de parler. C’était «pour se protéger», au moment où naissait sa sœur. Depuis, elle s’exprime, mais garde une méfiance viscérale vis-à-vis du langage. «Parler, je n’aime pas cela.» Paradoxalement, elle préfère l’écriture. Parce qu’on a le temps de peser les mots, de corriger, de reprendre.

De sa plume, on connaissait deux livres pour enfants, publiés à La Joie de Lire et illustrés par ses soins, Devine qui je suis et Un cartable pour la lune. Elle préférerait qu’on les oublie. Parce que, depuis, quelque chose s’est cassé: elle n’arrive plus à peindre. Il y a une part d’autodestruction chez elle. Une insatisfaction qui annonce, à chaque fois, de nouveaux départs.

Née en 1964, Claudine Gaetzi a d’abord suivi une formation de dessin académique à Neuchâtel, avant d’apprendre, à Bruxelles, à imiter marbre, bois et bronze, dans l’idée de créer des décors de théâtre. Elle recommencera ensuite une formation en arts visuels à l’ECAL. Puis, mère de trois enfants, installée à Orbe, elle reprendra des études à l’Université de Lausanne. Elle vient d’achever un master en édition critique de textes littéraires. Elle a travaillé sur le chantier Ramuz, et a découvert par hasard l’existence du prix de poésie qui porte son nom.

Ses proses poétiques abouties qui lui permettent de résister au mutisme sont comme une broderie. On y devine la vie d’une mère au foyer, mais les petites histoires parlent aussi du langage et de l’être au monde. Les mots relient, esquissent, protègent. Permettent de regarder la mort en face. Même si «dévorés» d’avoir trop servis, les mots ne sont souvent que des ombres, des osselets… La poétesse persévère, pour donner une étoffe à la nuit, coudre le jour. Avec l’écriture, elle ne craint plus rien. Tant qu’elle aura des forces, elle continuera de transporter les mots, comme des sacs. De lourds sacs de secrets, de douleurs peut-être. «Je ne sais pas ce qu’il y a dedans. Mais c’est reposant de les trimbaler, on se sent vivant.» Elle a enfin trouvé sa voix. Parce que, dans la poésie, les choses sont à la fois dites et dissoutes, simultanément.

Trente ans d’Empreintes. Son premier recueil, Rien qui se dise, se voit donc décerner le Prix de poésie C. F. Ramuz 2013. Créé en 1983, ce prix n’avait pas été remis depuis 2007. C’est une nouvelle fois Empreintes qui publie le recueil lauréat. Cela tombe bien, l’éditeur fête ses 30 ans. Quel plus beau cadeau que de découvrir une nouvelle voix? La maison fondée par Alain Rochat et François Rossel a publié 166 ouvrages, signés par 68 auteurs différents.

Une ligne éclectique marquée par un penchant pour le lyrisme classique. De nombreuses traductions aussi, grâce à la collection Poche Poésie, et un best-seller, Les saisons d’Arlevin, de François Debluë, poème officiel de la Fête des vignerons de 1999, 15 000 exemplaires écoulés. «Il n’y a pas plus engagé dans le réel que le poète», lance Alain Rochat, que l’on a vu en politique lutter contre le projet de la tour de Chavannes-près-Renens. «L’intranquillité a grandi dans le monde, depuis que nous avons commencé à publier. Mais la poésie permet d’avoir une autre appréciation de l’existence.» Intime, intuitive, émotionnelle, profonde.
«Rien qui se dise», de Claudine Gaetzi, Ed. Empreintes, 70 p.

Le Prix de poésie C. F. Ramuz sera remis en public le 5 avril à 17 heures au Théâtre de l’Octogone, à Pully (VD). Les Editions Empreintes fêteront leurs 30 ans au Salon du livre de Genève,
le 2 mai à 19 heures, sur la Scène suisse.

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Pierre-Antoine Grisoni / Strates
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