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Notre besoin inconsolable de superhéros

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:58

La Maison d’Ailleurs, à Yverdon,raconte la culture des superhéros. Une exposition punchy et funèbre.

Au XIXe siècle, les héros étaient antiques. La peinture académique les a représentés jusqu’à l’indigestion. Aujourd’hui, les superhéros pop, majoritairement américains, semblent avoir remplacé Vénus et Hercule d’antan. A Yverdon, la Maison d’Ailleurs leur consacre une riche exposition qui interroge le rôle que nous faisons endosser à ces personnages de fiction. Superman, Batman & CO… mics va plus loin que les expositions commerciales habituelles grâce à sa mise en perspective historique et contemporaine. On y découvre la genèse de Superman, lorsqu’il était encore, au début des années 30, un super-vilain télépathe. Il y a même un comics suisse sur Guillaume Tell, signé David Boller (l’homme à l’arbalète est un cyborg qui fait la loi dans une Zurich devenue totalitaire). Le plus impressionnant se trouve sous les combles, dans une mise en scène qui évoque une chapelle ardente. Les sculptures de fœtus de superhéros signés Alexandre Nicolas. Le Spiderman troué comme un emmental de Gilles Barbier. Le même homme araignée qui chute de ses cases, dans les planches de Mathias Schmied; les martyrs sculptés portant les stigmates d’Adrian Tranquilli…

Surhommes pourrissants. La veine des superhéros lessivés et mélancoliques est apparue dans la BD au début des années 80. Mais nombre de films à succès continuent d’exploiter, au premier degré, le filon de l’invincibilité. Ou alors en le mâtinant d’une légère ironie. Les artistes contemporains, eux, attaquent ces demi-dieux à l’os. Ils en font des écorchés qui se sacrifient pour nous sauver de nous-mêmes. Des fétiches ou des paratonnerres qui détournent et absorbent nos doutes, notre peur de vieillir, de faiblir…

On ne cherche plus à ressembler à ces preux justiciers, ce sont eux qui nous ressemblent. Ils sont le reflet cru de notre quête de perfection, de performance et de rendement. Car le capitalisme est toujours assoiffé de surhommes… En écho à cette attente éperdue, voici, en clôture de ce parcours, les six portraits de la Vaudoise Audrey Piguet, 24 ans. La photographe a demandé aux membres de sa famille de poser avec les attributs des braves. Sa mère est Wonder Woman. Pas d’ironie. Juste la fragilité du temps qui passe. Les superhéros sont un symptôme de notre époque et continueront encore longtemps de hanter notre imaginaire. Ils n’en finiront pas de mourir.

«Superman, Batman & Co… mics», Maison d’Ailleurs, place Pestalozzi 14, Yverdon-les-Bains. Jusqu’au 21 septembre 2014. www.ailleurs.ch

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Audrey Piguet
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