Entre science-fiction et horreur,un roman revisite avec mordant le fantasme de la fin du monde contemporain.
Une peste mystérieuse s’abat sur Manhattan et transforme ses habitants en zombies… La ville n’est plus qu’un «mirage somptueux et complexe», le «vaisseau fantôme de l’ultime océan au bord extrême du monde». Les zombies se réveillent lorsqu’ils sentent de la chair fraîche, se précipitent, voraces comme un banc de piranhas. Et même s’ils tombent parfois en lambeaux avant d’atteindre leur victime, les chances de survie de cette dernière sont limitées…
Pour écrire ce roman horrifique, Zone 1, le New-Yorkais Colson Whitehead s’est inspiré du cinéma de George Romero, maître en la matière. L’écrivain reprend les codes du genre, mais avec un style travaillé, onctueux, poétique.
C’est donc l’histoire d’un «dératiseur» qui doit, sans pitié, expurger la ville de ses «losers purulents», de ces morts vivants décérébrés, tellement perdus qu’ils ne se sont pas aperçus de leur mort… A se demander si nous ne ressemblons pas, parfois, à des zombies (lorsque nous effectuons, mécaniquement, nos tâches quotidiennes). C’est la force de ce livre: opérer un basculement. Car qui, à la fin, d’eux ou de nous, sont les moins «vivants»? «L’époque réclamait une image de sa grimace accélérée», peut-on lire en exergue de l’un des chapitres du très visuel Zone 1. Le livre est une danse macabre moderne où chacun singe son existence. Mais ce qui séduit le plus, ce sont les descriptions d’une ville où le temps paraît suspendu. Un Pompéi moderne, postapocalyptique, figé dans sa terrible «dernière nuit».
Autre exergue, du premier chapitre cette fois: «La couche de poussière grise qui recouvre les choses est devenue leur meilleure part.» Tout est figé, comme si le quotidien allait reprendre dans un instant… A la fin, c’est peut-être cela, le plus terrible, le plus cauchemardesque, dans cette sarabande à la Goya: l’idée que la vie «normale» puisse reprendre son cours.
«Zone 1». De Colson Whitehead. Gallimard, 337 p.