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Mario Botta: «Nous avons un formidable crédit inventif»

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Mercredi, 18 Décembre, 2013 - 05:56

Mario Botta, 70 ans, construit aujourd’hui moins dans son pays qu’en Chine. Critique envers la Suisse d’aujourd’hui mais respectueux de ses valeurs pérennes, l’architecte se livre sur l’Europe, le sens du sacré et le terrain fertile de la mémoire.

Luc Debraine et Michel Guillaume, Mendrisio

«Et voilà, en moins de cinq minutes je viens d’économiser 200 000 francs!», se réjouit Mario Botta dans son atelier d’architecture de Mendrisio. Il vient d’interrompre l’interview pour choisir avec des maîtres d’état les pierres de la future maison d’un Tessinois. Celle qui a sa faveur est en plus la moins chère, alors… avanti!

Voilà deux ans que Mario Botta a installé son bureau dans sa ville natale, au détriment de Lugano. Vingt-cinq personnes y travaillent. En particulier sur les six projets en cours de réalisation ou à réaliser en Chine, nouvel eldorado des architectes fameux. La maquette du musée privé d’un collectionneur chinois de céramiques côtoie celle d’une gigantesque académie des arts qui sortira de terre au nord de Pékin. Plus de 4000 étudiants, ainsi que leurs professeurs et des artistes, y vivront et travailleront de concert. D’ailleurs, Mario Botta s’apprête, une nouvelle fois, à partir en Chine. Des chantiers à suivre, des conférences à donner. Mais il a trouvé le temps de nous recevoir longuement, d’abord dans un restaurant de Mendriso pour un repas tessinois, puis dans son atelier.

Pourquoi avez-vous déplacé votre bureau de Lugano à Mendrisio?
Pour plusieurs raisons. Je suis en train de vieillir. Je voulais me rapprocher à la fois de mon domicile et de l’Académie d’art de l’Université du Tessin, où j’enseigne encore. Et la lumière méditerranéenne fait partie de mon ADN. La dernière montagne suisse que l’on dépasse, sur la route du sud, est le Monte Generoso. Juste avant de déboucher sur la plaine de Milan, il y a ce lieu unique en Suisse où l’on peut ressentir cet esprit, cette ouverture. La Méditerranée, la Renaissance, ce sont mes racines. Et Giotto, dont je me sens très proche.

Vous avez aussi voulu vous éloigner de Zurich?
Aussi! Je suis intimement convaincu que le pouvoir économique, financier, et peut-être aussi culturel, nous conditionne fortement. Ici, dans cette zone frontière, je me sens plus libre de créer, de rêver et de critiquer. C’est un privilège qui offre un autre regard sur les problèmes de l’Europe. La Suisse me donne des mètres carrés à construire, mais tout ce qui va au-delà du fonctionnel y semble interdit. A l’étranger, en revanche, en Chine et en Inde notamment, on me demande par exemple une bibliothèque qui doit devenir l’emblème d’une université. On reconnaît là-bas la force d’expression de l’architecture. J’y ai des possibilités que je n’ai plus en Suisse.

Mais vous avez pourtant beaucoup construit en Suisse!
Non, pas tellement! Même s’il est vrai que, lorsque j’ai pu bâtir en Suisse, j’ai frappé fort, avec les deux églises de Mogno-Fusio et du Monte Tamaro, ou encore avec le Musée Tinguely. Bien sûr, l’ambition de chaque architecte est de construire dans son pays. Mais, si celui-ci ne vous offre pas cette possibilité, vous la cherchez ailleurs. Pour construire un théâtre, je suis allé à Chambéry. Vous comprenez…

Non, nous ne comprenons pas. Pourquoi la Suisse ne fait-elle pas confiance à son architecte le plus réputé hors des frontières?
En Suisse, tout est plus difficile: les rapports avec les confrères, la jalousie, ma forme d’expression moins calviniste que souhaitée. Je ne veux pas me plaindre. Mais c’est la réalité. En Suisse, j’ai plus de difficulté à bâtir qu’ailleurs.

Vous avez l’impression que l’amour que vous portez au Tessin est unilatéral, que ce canton ne vous le rend pas?
Les gens que je croise dans la rue m’aiment bien. Surtout les femmes de 70 ans, pour qui je suis le fils prodigue! Le Tessin plus officiel me regarde d’un œil soupçonneux. Mais je ne prétendrais pas que le Tessin ne m’aime pas. C’est un petit territoire de 300 000 habitants: il voit davantage les défauts que les qualités des gens.

Nous avons une piètre image de l’Italie, qui se résume à son instabilité politique, à ses frontaliers qui encouragent le dumping salarial et à ce pays passoire concernant les réfugiés. Que doit la Suisse à son voisin du sud?
Personnellement, j’ai une grande dette envers l’Italie. Je lui dois toute ma formation culturelle, ma vision du monde. L’Italie ne se réduit pas à Berlusconi et au chaos ambiant qui existe, certes, mais qui est aussi celui de toute l’Europe. Arrêtons de juger le monde depuis notre enceinte dorée! Les murs que nous érigeons pour nous protéger des flux de réfugiés et d’étrangers deviennent aussi ceux de notre propre prison.

L’asile est un problème global et nous sommes tous des citoyens du monde: c’est cela que vous voulez dire?
Depuis quelques décennies, le monde s’est globalisé. Nous sommes tous reliés par nos téléphones portables. Nous pouvons voyager partout. Il y a pourtant un prix à payer à tout cela: personnellement, je me lève en apprenant tous les drames de ce monde; il faut aussi les assumer. Le monde entier nous conditionne, même si nous ne pouvons pas l’influencer. Je suis donc citoyen du monde.

Plus qu’un citoyen suisse?
Je suis aussi Suisse. La patrie est importante dans une période où l’on a l’impression que le global va tout niveler. Laissez-moi vous expliquer. Le territoire sur lequel je suis en train de travailler est le territoire de la mémoire. J’existe, car je me souviens. Mon travail d’architecte est conditionné par tous les changements rapides engendrés par la globalisation, que je considère aussi comme une chance. Mais je sais que je dois les observer avec cette stratification historique qui est la grande chance de l’Europe. La ville européenne est toujours la forme d’agrégation humaine la plus performante, la plus belle, la plus flexible que je connaisse. L’humanité n’a pas créé de meilleur modèle. En comparaison, la ville américaine ou asiatique me paraît beaucoup plus pauvre. C’est dire que nous sommes en train de vivre la mondialisation, certes, mais en conservant des racines profondes. Je retrouve ces racines également en Suisse.

Sur le plan économique, la Suisse vit bien la mondialisation. En revanche, politiquement, elle a tendance à se refermer. Y décelez-vous là une certaine schizo-phrénie?
Oui, certainement. La critique des Tessinois et des Suisses envers l’Italie est totalement infondée, puisque celle-ci fait partie de notre identité culturelle. Nous sommes plus riches, plus beaux, deux fois mieux payés, alors nous pourrions nous montrer plus généreux. Je regrette amèrement cette peur de l’étranger.

Considérons-nous la mondialisation d’abord comme une menace?
Oui. Pas un jour ne s’écoule sans que je ressente pleinement la mondialisation à travers ma nourriture, mon ordinateur ou mes relations intellectuelles. C’est d’abord une chance. C’est ensuite à moi et à nous tous d’exploiter notre territoire de la mémoire pour développer les anticorps aux effets négatifs de la mondialisation.

Que reste-t-il de la patrie, dans tout cela?
Elle est pour moi comme une maison. Moi aussi, j’ai besoin de me sentir le fils d’une patrie pour y retrouver mes origines. Même si, parfois, cette patrie suisse me devient toujours plus mystérieuse. J’ai de plus en plus l’impression que nous restons ensemble parce que nous ne nous comprenons pas.

C’est un beau paradoxe!
Peut-être, mais c’est la réalité. Je comprends mieux les Italiens que les Zurichois. Ce n’est pas un problème linguistique, mais plutôt mental, que je ressens en regardant la télévision par exemple. Plus je vieillis, moins je comprends mon pays.

Il y a la Suisse qui se referme et l’Europe qui fait de la Méditerranée une frontière plutôt qu’un lieu de passage. Cela vous désole-t-il?
La Suisse est à la frontière de l’Europe comme l’Europe est à la frontière de l’Afrique. Cela, l’Europe ne l’a pas encore compris, à savoir que sa force a une limite. C’est un peu le même phénomène que je constate avec les villes, qui sont toutes en crise. Elles ont perdu les deux éléments qui les caractérisaient le plus: l’existence d’un centre et d’une limite, cette porte qui a aujourd’hui disparu au profit des banlieues. Les villes ont ainsi perdu la force identitaire de leur site. Or, un site n’est pas qu’un lieu géographique, c’est une mémoire avant tout.

Où voulez-vous en venir?
La ville européenne est la forme physique qui peut être le dernier antidote à la folie de la guerre. Si l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic avait eu cette conscience et cette mémoire de la ville, il n’aurait pas bombardé la bibliothèque de Sarajevo. Pourquoi détruire une partie de son identité?

Avez-vous l’impression que l’Europe ne sait plus où sont ses frontières?
Nous avons fait l’Europe de l’argent en oubliant nos valeurs. Celles de la culture grecque, du bassin de la Méditerranée. Aujourd’hui encore, nous avons besoin d’aller nous baigner à la mer. Pourquoi des millions d’Allemands convergent-ils vers la Méditerranée en été? Parce qu’en fait ils recherchent leurs origines, même s’ils le font inconsciemment.

Vous insistez sur la notion de territoire, en particulier celui de la mémoire. Mais n’est-ce pas à cause d’une survalorisation de la mémoire que des villes sont mises sous cloche? Comme à Genève, où les associations de défense du patrimoine bloquent le projet de transformation du Musée d’art et d’histoire?
Il ne faut pas confondre mémoire et nostalgie. Il est facile de prendre l’argument de la nostalgie pour s’opposer à des projets. Or, ce n’est pas en se réfugiant dans le passé que l’on recouvre sa propre identité. Il faut trouver l’identité du signe sur le territoire de la mémoire. Comme celui des masques africains primordiaux dont s’est emparé Picasso pour réaliser Les demoiselles d’Avignon puis Guernica. Ou la femme-mère du sculpteur Henry Moore. Ou encore le visage des sculptures d’Alberto Giacometti, c’est-à-dire l’énigme humaine qui résiste à toutes les descriptions. C’est de ce type-là de mémoire, mais aussi de message, qu’on a besoin. Pour sentir la profondeur de l’homme. Pour ne pas subir les mauvaises ondes de la consommation. La mondialisation reste une chance si vous êtes capable de l’aborder de manière critique.

Mais comment arrivez-vous à respecter cette éthique de la mémoire en Chine? Ce pays ne cesse d’effacer son passé au profit du nouveau, du monumental, de la construction de masse, non?
Ce n’est pas lié à la culture politique du pays. C’est la condition d’une époque marquée par la rapidité des transformations. Nous aussi, en Europe, nous avons été pris dans un mouvement qui pensait le progrès comme une dynamique infinie. Je prends un autre exemple de signe de la mémoire. J’aime de plus en plus travailler sur l’espace du sacré dans notre société sécularisée, qui a apparemment peu de goût pour les choses de l’esprit. Je trouve que les espaces les plus profonds sont ceux de la prière et de la méditation. Je me suis demandé pourquoi. Ces espaces sacrés ont nourri ma génération. Ma culture artistique est ecclésiale, romane, baroque. Puis les avant-gardes ont tout détruit, y compris notre sens esthétique et éthique. Un urinoir pouvait être une œuvre d’art. Dès lors, comment concevoir aujourd’hui des bâtiments sacrés? Vous devez retrouver le sens même de votre discipline, dont ceux de la gravité, de la lumière, de la limite, bref les raisons mêmes de l’architecture. Or, vous ne retrouvez pas ces valeurs dans les shopping malls d’aujourd’hui. Je les retrouve dans les églises, la relation entre l’autel et le peuple, comme il y a deux mille ans. Ce sont autant d’éléments qui alimentent un besoin de spiritualité qui n’a pas disparu.

Oui, mais pouvez-vous répondre à ce besoin spirituel en Chine, où vous construisez beaucoup?
J’éprouve quelques difficultés sur place. Les Chinois ne m’ont pas demandé de concevoir des temples, mais des réalisations laïques. Pourtant, j’ai senti là-bas ce besoin de spiritualité. Si l’on décide de construire une académie d’art, c’est pour échapper à la quotidienneté. Je travaille avec des artistes qui ont besoin de rêver, de donner de l’émotion. C’est le but final de votre travail, mais aussi du mien. Poser le rapport avec l’autre dans une symbiose critique. C’est banal, mais cela fait réagir les gens sensibles. L’architecture n’est jamais un problème fonctionnel. Elle commence quand la fonction est résolue. Dans la recherche d’une expression juste.

Est-ce que cette recherche est encouragée en Chine?
Les moyens que me donnent les Chinois pour construire sont limités. Il y a dix fois moins d’argent qu’en Suisse. J’ai beaucoup plus de limites économiques et techniques là-bas qu’ici. Si je veux réaliser des toilettes en Suisse, je prends un catalogue dans lequel il y aura 30 cuvettes différentes. En Chine, le choix sera très restreint. Donc, il y a une réelle difficulté à réunir de bonnes conditions expressives avec ce peu de moyens. Mais c’est stimulant. Surtout, il existe une force collective en Chine que nous avons totalement perdue. En Suisse, lorsque je réalise un bâtiment pour les collectivités, je ressens surtout les intérêts individuels. Par exemple ceux des politiciens attentifs aux délais parce que c’est important pour eux, et non pour les collectivités. Or, faire le mieux avec le moins est une condition du bâti architectural, comme l’est le besoin collectif. Pour mon académie des arts en Chine, je ne travaille pas pour moi-même. Mais pour 4000 étudiants qui ont besoin d’une place pour travailler et se rencontrer.

Les Chinois bâtissent rapidement. Cette dimension du temps est-elle importante pour vous?
Oui, car je suis impatient. C’est mon défaut. Je préfère trouver un commanditaire qui me permettra de réaliser un bâtiment en deux ans plutôt qu’en dix! C’est bien pour mon besoin d’éternité. Un architecte construit pour vaincre la mort, non? Donc, le fait d’avoir des moyens plus rapides que d’autres m’intéresse. Même si, au final, le résultat est plus approximatif qu’une cathédrale construite en deux siècles. Au moins, je peux voir le résultat final!

C’est en Chine que se trouvent 80% de vos réalisations actuelles. C’est beaucoup, non?
J’ai eu la chance de bâtir sur quatre continents. J’ai eu la chance de vivre avec les esprits et les contradictions du monde entier. La Chine, c’est un hasard. J’ai participé à un concours, et je me retrouve dans ce pays où les contradictions sont encore plus fortes qu’ailleurs. J’ai un métier qui est un thermomètre du monde. Grâce à lui, je peux évaluer ce qui se passe dans un environnement.

Et quelle est la température de votre thermomètre en Suisse?
(Rire.) Récemment, j’ai écrit un texte qui s’intitule «La Suisse, mon pays, mon espoir, mon regard, ma beauté, ma croix». Je reste persuadé que c’est un privilège de naître ici. Mais il est aussi de mon devoir d’être critique. Le bon sens suisse n’est plus toujours bon, si j’ose dire. Ce pays fait des choix qui vous obligent de plus en plus à une position critique.

Mais que manque-t-il à la Suisse? De quoi a-t-elle besoin?
Il y a un mot interdit en Suisse: le risque. Dès que vous naissez, tac! vous êtes assuré contre le risque. Même pour celui de vivre. A peine né, vous êtes déjà mort! Il faut davantage de prise de risque dans nos choix. Il y a ici toutes les ressources économiques et intellectuelles dont nous avons besoin. Et que les autres pays n’ont pas, ou moins. Nous avons un formidable crédit culturel, technique, inventif. Pourquoi ne pas prendre de risques pour mieux partager nos ressources, et pas seulement à l’intérieur de nos murs? Les liaisons dans les Alpes, pourquoi ont-elles été réalisées? Parce que des visionnaires ont cru en leur importance et qu’ils ont pris des risques. Notre culture actuelle, à force de chercher désespérément le consensus, les élimine. C’est le symptôme d’un trop-plein de confort. Pourtant, on aurait encore plus de crédit vis-à-vis de l’extérieur si l’on avait davantage cette culture du risque. Ici, on attend toujours de voir la réaction des autres pour se décider. Pour le secret bancaire, on attend la position du Liechtenstein pour se décider! On ne peut plus supporter que les autres décident de notre destin. Il faudrait retrouver notre force originelle, celle des cantons primitifs où la vie collective n’était faite que de défis. Si cela ne marche pas, ce n’est pas grave. La vie n’est qu’une suite de corrections et d’ajustements. La médiocrité, voilà un risque majeur. Oser, c’est aussi donner de l’espoir aux jeunes. Je trouve que la jeunesse suisse est fatiguée.

Parlez-nous du musée de l’architecture que vous préparez à Mendrisio.
Ce sera plutôt le «Théâtre de l’architecture». Je préfère le mot théâtre à celui de musée, qui fait vieillot. Il montrera ce que l’on fait et, surtout, ce que font les autres architectes. Ce sera un lieu de confrontation des idées. Ce lieu parlera de la notion d’espace, qui est réelle, visuelle, pas philosophique. Il sera aussi une plate-forme d’échanges internationaux, là aussi pour confronter et comparer les projets. Il sera donc un instrument qui s’ajoutera à l’Académie d’architecture de Mendrisio. Il s’adressera aux architectes, aux jeunes, aux artistes, à tout le monde. Les artistes contemporains sont des penseurs qui ont une sensibilité particulière sur la vie. Les idées de la vie sont plus fortes que celles des architectes.

On nous promet une Suisse à 10 millions d’habitants en 2050. L’idée fait peur à beaucoup. Est-ce votre cas?
Qu’est-ce que cela veut dire, 10 millions d’habitants? La Suisse a les conditions de bien vivre sur son territoire, avec un espace de vie généreux, tout à fait apte à accueillir plus de monde. Mais il faut mieux l’utiliser. L’urbanisme de demain sera celui de la démolition. Il faudra se débarrasser des mauvaises constructions réalisées dans les périphéries urbaines et recommencer à bien dessiner nos espaces publics. Où est la dernière place, le dernier boulevard digne de ce nom? On a rempli des besoins individuels au détriment des lieux collectifs qui sont devenus résiduels, perdus au milieu de labyrinthes infernaux. Il faut réapprendre à dessiner les villes. Et accepter le fait que la vie est plus forte que tout. Bien plus forte que les idées des architectes!

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Dominic Büttner
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