Après avoir failli y rester,le chanteur ressuscite avec un album imparable, à la fois intime et solaire.
Le même sillon, la même griffure, le même sang qui coule. Il existe avec son altesse french pop Daho, 57 ans désormais, quelque chose de la continuité qui irait émarger plutôt du côté de l’obsession. Celle des productions anglaises attachées sur cordes classieuses, du son soul de chez Motown, ou de l’electro dans ce qu’il a de plus novateur et dance, aussi. Côté textes, le sensuel toujours, en sueurs belles et exploratrices, et la condition humaine enfin, comme autant de questionnements sincères.
Du coup, comme le temps passe, on a déjà en réserve au moins quatre ou cinq «meilleur album de Daho»: les discussions peuvent parfois durer, guys and girls, s’il s’agit de départager Pop Satori (1986) ou Paris ailleurs (1991), Eden (1996, mon préféré) ou L’invitation (2007).
Les chansons de l’innocence retrouvée, qui vient de sortir, marque cependant un cap: il y a dans ce disque une injonction terriblement émouvante dans l’équilibre instable, forcément, entre la volonté d’aller vers les autres, la générosité solaire, érotique, et d’un autre côté l’introspection cruelle, forte, écorchée vive par les mélancolies.
Hasards et mirages. Alors que l’album était déjà fini, Daho, à la suite d’une péritonite, puis d’une opération qui a débouché sur des complications, a bien failli mourir. Alors on écoute maintenant le disque avec un drôle de vertige, son classieux de titres qui résonnent du destin tracé ou pas, et d’interrogations sur les hasards et mirages dangereux à l’instant d’essayer de maîtriser son existence.
L’homme qui marche est une étonnante mise en abyme. La peau dure une merveille de chanson vérité sur la séduction amoureuse. L’étrangère (avec une Debbie «Blondie» Harry bouleversante) une extraordinaire pop song à la nostalgie dansante. En surface (écrite avec Dominique A) une introspection le cœur à vif. Onze mille vierges une énervée sarabande sur la passion. Les chansons de l’innocence un tube disco pur Daho: noctambule et imparable.
Jamais le chanteur n’avait poussé aussi loin le couteau dans ses plaies, touillant son goût du lyrisme grandiloquent et sa pudeur aux paradoxales humeurs narcissiques.
Le résultat se voit dès la pochette. Oubliez la courte polémique parfaitement grotesque au sujet de la frileuse censure mammaire sur iTunes ou dans les couloirs du métro parisien. Pour y voir clair, achetez le CD ou le vinyle car la photo est splendide et, surtout, elle est juste: Etienne Daho en marin courageux des émotions fortes, posant insolemment auprès d’une sirène de passage. Plus qu’une image: l’aventure et l’innocence vraiment retrouvée, dans le jardin d’Eden.
«Les chansons de l’innocence retrouvée». 1 CD, Polydor/Universal.