Plus de trente ans après «Les petites fugues»,le Vaudois Yves Yersin signe un documentaire sensible sur un établissement primaire aujourd’hui fermé.
«Tableau noir» Même s’il regrette d’être perçu comme l’homme d’un seul film, Yves Yersin doit se résoudre à l’évidence: le grand public ne connaît que ses Petites fugues. Et il ne peut pas lui en vouloir du fait que Tableau noir est son premier long métrage depuis… Les petites fugues en 1980! Projet qui l’aura occupé huit ans, ce film documente la dernière année d’existence de l’école de Derrière-Pertuis, nichée sur les hauteurs du Val-de-Ruz. On y trouvait une seule classe, à degrés multiples, et un seul enseignant, Gilbert Hirschi.
Entamé en 2005, tourné l’année suivante, Tableau noir devait sortir en 2008. Or, un premier montage de plus de trois heures rend une exploitation commerciale impossible. Alors que plus personne n’y croyait, le miracle se produit en août dernier, à Locarno: une version de 117 minutes est dévoilée. Tableau noir séduit la critique et enchante le public. Le film, et c’est là sa grande force, n’est ni le portrait d’un maître à l’ancienne ni une étude sociologique sur les élèves du XXIe siècle. Mais il fait réfléchir, notamment sur le rôle que tient l’école dans une société où les parents passent toujours moins de temps avec leurs enfants.
Après une première partie dans la plus pure tradition du cinéma direct, Tableau noir bascule. L’école est menacée de fermeture, une ombre plane. Mais Yersin ne dit pas que quelques parents ont accusé Gilbert Hirschi de maltraitance. Et il a bien fait. En se concentrant sur les querelles qui se sont cristallisées autour des quelques familles opposées à la sévérité de Gilbert Hirschi, Tableau noir serait devenu non pas un film sur l’école, mais sur «une» école. Et aurait ainsi perdu son statut de fable.
D’Yves Yersin. Suisse, 1 h 57.