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Stephen King, roi de Paris et du monde

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:53

Marketing éditorial.La semaine triomphale de Stephen King à Paris à l’occasion de la sortie de «Docteur Sleep» confirme que la star de la littérature mondiale, c’est lui.

«Je ne peux pas vous dire ce que je vais faire à Paris! Mais je suis ce que je suis: je vais aller au cimetière, voir Oscar Wilde et Jim Morrison!» Mardi 12 novembre, 16 h 30. Stephen King, dont la première nouvelle publiée dans un fanzine d’honneur s’intitulait J’étais un adolescent pilleur de tombes, conclut la conférence de presse qu’il vient de tenir devant 300 journalistes de la presse mondiale conviés par l’European American Press Club de Paris à l’Auditorium, avenue Pierre-Ier-de-Serbie.

La plus grande star actuelle de la littérature mondiale est arrivée la veille pour une semaine de promotion: si la sortie de Docteur Sleep, suite très attendue de son best-seller Shining, paru il y a trente-cinq ans, est un événement en soi (paru en Amérique en octobre, le roman s’est placé directement à la première place de la New York  Times Best Sellers List), les six jours passés en France le sont encore plus. King n’est jamais venu en Europe, malgré les fan-clubs hyperactifs et les tirages phénoménaux de ses livres. La visite s’est décidée en juin. «Chaque année, nous lui faisons la proposition, explique Florence Godfernaux, responsable de la communication chez Albin Michel. Ce n’était jamais le moment. Cette année, ça l’était.» Il dort au Bristol, confirme-t-elle, suppliant qu’on ne l’écrive pas avant son départ.

Ruée. A son arrivée à l’European American Press Club, c’est la ruée des photographes et cameramen. On n’a pas vu une telle affluence de journalistes français et de correspondants étrangers depuis Colin Powell lors de la première guerre du Golfe. Il plaisante. «C’est agréable de se prendre pour Justin Bieber.» Le King est interrogé par Christian Malard de France 3 et Jim Bittermann, correspondant européen de CNN.

L’écrivain aux 350 millions de livres vendus a une actu chargée. Outre la sortie de Docteur Sleep, celle de La clé des vents chez J’ai Lu, 8e tome de la série La tour sombre, le lancement de la série produite par Spielberg Under the Dome sur M6, adaptée de son roman Dôme et déjà vendue dans 200 pays, une nouvelle adaptation de Carrie au cinéma, la commémoration de l’assassinat de JFK sur lequel il a publié 22/11/63. En jeans, canette de Coca Light à la main, le sexagénaire prévient: «Ne me demandez pas d’où viennent mes idées, je ne sais pas.»

Dans la salle, des journalistes russes, espagnols, chinois, suisses ou italiens, des écrivains fans comme Hélène Frappat, l’auteure de Lady Hunt, qui voudrait parler poésie avec King, la star du suspense française Maxime Chattam, Bernard Werber en personne, le fondateur du Club Stephen King de France, Emilie Fleutot, la responsable du site concurrent, Stephen King France. «Quel autre écrivain suscite aujourd’hui dans le monde le même engouement, le même battage médiatique? J. K. Rowling, et encore… Sa venue est unique. Je suis très émue.»

Durant nonante minutes, Stephen King, résident de Bangor dans le Maine, l’un des écrivains les mieux payés au monde, qui aurait gagné 20 millions de dollars de juin 2012 à juin 2013 selon Forbes et amassé 400 millions de dollars depuis ses débuts, enchaîne les bons mots. Le succès? «J’ai réussi au-delà de mes rêves les plus fous.» La nouvelle adaptation de Carrie? «L’histoire plaît parce qu’elle a toutes les qualités du conte de fées. Mais Carrie, sauvé de la poubelle par ma femme, est surtout mon premier beau souvenir d’écrivain. J’ai réussi à faire pleurer ma femme de joie en recevant ma première somme d’argent importante pour ce livre.» Les lecteurs: «Mes lecteurs me suivent et j’en gagne sans cesse de nouveaux. C’est chez les 15-30 ans que j’ai ma plus grande audience. A 60 ans, on fait face à la vraie horreur, au cancer, au vieillissement, à la mort. A mon âge, j’ai peur de l’alzheimer, de décliner. Et de la foule!» Un journaliste de China Press: «Si vous aviez un superpouvoir, ce serait lequel?» «Celui de retrouver les choses que je perds! Surtout mes clés et la moutarde dans le frigo…»

Timide. Mercredi 13, 13 heures. Séance de dédicace au MK2 Bibliothèque. Depuis la veille, des fans anglais et italiens campent sur l’esplanade; 3500 personnes battent le pavé; 300 auront leur dédicace. King arrive avec son garde du corps, jeans et canette de Pepsi à la main, prend dans ses bras une jeune fille en larmes. Les télévisions filment à tour de rôle une brunette qui a le visage de King tatoué sur le bras. Les hôtesses portent le t-shirt «Stephen King Docteur Sleep Paris Tour 2013» fabriqué par Albin Michel. Il signe à la chaîne, sourit, plaisante.

A 15 heures précises, il sort sur l’esplanade saluer les fans qui attendent toujours, repart avec son assistante personnelle, Marsha DeFilippo, et son agent, Chris Lotts. Le soir, interview et reportage au JT de 20 heures sur TF1 présenté par Gilles Bouleau. Jeans, chemise à carreaux pour King. «Je suis timide, je travaille beaucoup et j’ai honte de ne pas parler votre langue. C’est pour cela que je ne suis jamais venu avant.»

Jeudi 14 novembre, 20 h 30. Enregistrement, en direct, de l’émission littéraire La grande librairie présentée par François Busnel. S’il a écrit Docteur Sleep, c’est que Danny Torrance, le jeune héros de Shining, n’a «jamais» quitté son esprit. «Après avoir eu un père abusif et alcoolique, après avoir croisé des fantômes dans ce fameux hôtel, il s’en va avec sa mère. Les lecteurs me demandaient ce qu’il était devenu. Ils me disaient que Shining leur avait donné la plus grande peur de leur vie. Ils oublient que souvent, ils l’ont lu ados, ils étaient des proies faciles pour la terreur! C’est un défi de leur proposer une suite. Mais je voulais voir si Danny s’en sortait mieux que son père.» Les héros enfants, si nombreux dans son œuvre? «Ils sont le symbole vivant de l’imagination. Nous autres artistes avons le droit de continuer à jouer. J’aime me souvenir de ma part d’enfance.»

Image. C’est Albin Michel qui a choisi les rendez-vous médias sur la base d’un cadre défini par l’équipe de King: une conférence de presse, une couverture de magazine, trois rendez-vous presse. «Il s’agissait de ne pas se tromper en termes de supports, commente Florence Godfernaux. Comme il n’était jamais venu, j’ai choisi trois rendez-vous audiovisuels pour donner accès au plus grand nombre. Mais du qualitatif: TF1 évidemment, mais aussi La grande librairie en négociant une présence de King seul, et la Matinale de France Inter pour qu’on l’entende dans un registre large. Pour la une, nous avons travaillé avec Télérama: je souhaitais un support culturel. C’est à mon sens un écrivain littéraire majeur, pas seulement un people et un écrivain de genre. Cette semaine a été une belle occasion de travailler son image.»

Vendredi 15 novembre, 8 heures. King arrive dans les studios de France Inter pour une demi-heure de direct dans Le 7/9 de Patrick Cohen. «A quoi ressemble ma journée? Je me lève, je prends le petit-déjeuner, je promène le chien, je donne à manger au chat. Vers 7 h 30, je vais à mon bureau, à quelques centaines de mètres de la maison, je fais du thé, je relis la feuille écrite la veille, je démarre lentement, puis je vois l’histoire continuer, je vis une sorte de transe. Je reviens à la vie normale en marchant vers la maison, en fin de journée, en retrouvant ma femme qui m’envoie faire les courses.» Une famille où l’écriture se pratique en commun: sa femme Tabitha a signé huit romans, deux de ses trois enfants, Joseph (alias Joe Hill) et Owen, sont aussi écrivains, ainsi que sa belle-fille, Kelly.

Rock. Peu avant 13 heures, il arrive dans les studios de Radio France pour une heure de direct sur la radio musicale des 18-35 ans Le Mouv’. Le rendez-vous est organisé par J’ai Lu, qui publie la série fantastique de King La tour sombre. King porte un t-shirt orange «The Dark Tower». Cela fait quarante ans qu’il a commencé à raconter les aventures de Roland de Gilead, mélange de chevalier errant et marshal de Far West. L’émission commence au son des Ramones. «J’adore les Ramones! Parlons musique! Personne ne bat AC/DC. Mais plus je vieillis, plus je m’intéresse à la country. Connaissez-vous le merveilleux James McMurtry?»

Samedi 16 novembre. Sobre depuis la fin des années 80 après des années de dépendance à l’alcool, il déjeune incognito au restaurant Le Jules Verne, à mi-hauteur de la tour Eiffel, avec son agent et son assistante Marsha. Le soir, grande rencontre avec 2800 lecteurs au mythique Grand Rex, animée par le journaliste de Canal +Augustin Trapenard et l’écrivain maison Maxime Chattam. Au balcon, Joann Sfar, Francis Esménard, patron d’Albin Michel, qui l’était déjà lorsque Ivan Nabokov lui amena King de chez Lattès au début des années 80.

Bambi. Les places à 30 euros sont parties en quelques jours. Elles donnent droit à un exemplaire du livre, et une centaine d’exemplaires présignés sont distribués au hasard. Sur scène, deux canapés rouges. Standing ovation à son arrivée. Augustin Trapenard: «Vous n’en avez pas marre de faire peur à tout le monde?» Stephen King: «J’ai un cadeau pour vous. Fermez les yeux!» Il sort un serpent en plastique. Augustin sursaute. King pouffe. Maxime Chattam rejoint la scène. «Vous avez fait de moi le romancier que je suis. Merci!»

Dans la salle, les lecteurs agitent le bras pour avoir le micro. Lou, 16 ans: «Vous parler est le plus grand moment de ma vie. Détestez-vous tous vos personnages de méchants?» «Je ne peux pas seulement les détester, je dois vivre avec eux quelque temps. Dans le fond, Annie Wilkes de Misery ne souhaite qu’une chose, c’est un livre qui lui plaise!» Léo, 18 ans: «Quels films vous ont inspiré?» «Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone, Les diaboliques de Clouzot. Et Bambi. Ne riez pas! Disney a effrayé dix fois plus d’enfants dans le monde que moi! Dans Bambi, le moment qui m’a marqué à vie est celui où sa maman lui répond, alors qu’il lui demande, paniqué, ce qui se passe en entendant les premiers coups de fusil: “L’homme est entré dans la forêt.” J’ai compris alors que pour Bambi, les monstres, c’était nous!»

22 heures. King lit les premières lignes de Docteur Sleep, esquisse une révérence, puis traîne son mètre 93 hors de scène. «Thank you. You’ve been a wonderful audience.»

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Laure Vandeninde
Bruno Klein
François Mori / Keystone
Christophe Cloris / Keystone
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