La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Après trente-cinq ans de journalisme, que me reste-t‑il? Un chant d’enfant, un espace dépouillé, un parfum d’Orient, un souffle d’humilité.
Sa voix, claire et puissante, remplissait tout l’espace. Quand le jeune Ethiopien me vit, il s’arrêta de chanter. Mais son père, qui l’accompagnait aux travaux des champs, lui fit signe de continuer. La mélodie enregistrée devint le fil conducteur de mon reportage diffusé par Radio suisse romande.
Sa maison aux murs blancs, à Abidjan, était d’une resplendissante sobriété. Dans une pièce quasiment vide, Amadou Hampâté Bâ racontait sa vie à un jeune biographe. Les moindres détails étaient restés intacts dans sa mémoire. Le summum de la tradition orale.
Son parfum d’Orient, d’une onctueuse douceur, contrastait avec les images télévisées de la première guerre du Golfe, sur lesquelles il jetait un regard furtif durant l’interview. Rencontré à Genève, Cheikh Ahmed Zaki Yamani disait son amour pour la Suisse et Vacheron Constantin, qu’il possédait alors.
Son souffle d’humilité, non pour s’aplatir devant les hommes mais pour s’ancrer dans la terre, lui donnait une authentique crédibilité. Le paysan et philosophe Pierre Rabhi bousculait ma conscience.
Un chant d’enfant, un espace dépouillé, un parfum d’Orient, un souffle d’humilité: n’aurais-je finalement retenu que cela, dans l’atome-germe de mon cœur qui ne garderait que l’essentiel?
