Les deux premières grandes expositions zurichoises en lien avec le centenaire du dadaïsme ouvrent leurs portes vendredi. Le Musée national et le Kunsthaus ont choisi des approches très différentes pour présenter ce mouvement né à Zurich et devenu international.
L'exposition "Dada Universel", à voir au Musée national jusqu'au 28 mars, met en avant le côté décalé, provocateur et joueur du mouvement. Les deux commissaires Juri Steiner et Stefan Zweifel semblent s'être pris au jeu et s'être permis des libertés dadaïstes.
Au centre de la salle, trône un cube noir. Celui-ci représente ni plus ni moins la Kaaba du dadaïsme, soit le Cabaret Voltaire, un lieu sacré et mystérieux à la fois, où a été lancé le mouvement le 5 février 1916.
Tout autour, se trouvent des vitrines de verre illustrant des thèmes comme la guerre, la sexualité ou encore la célèbre "Fontaine" de Marcel Duchamp, dont une des reproductions a été prêtée spécialement par le Musée d'Israël. Sur les murs, sont projetés des films dadaïstes, des documents d'époque et des sons de la guerre.
L'exposition se veut un "collage" de différents aspects du mouvement Dada, expliquent les commissaires. En effet, le collage était un des principes fondamentaux des dadaïstes.
Pour eux, il n'était plus possible de montrer la réalité dans son intégralité. Le seul moyen était d'assembler des morceaux, de manière kaléidoscopique, selon Stefan Zweifel.
L'exposition se compose de 18 secteurs. "Nous avons essayé de réduire le dadaïsme à certains éléments clés", résument les organisateurs.
La démarche n'est volontairement pas historique. "Dans ce domaine, l'exposition du Kunsthaus est imbattable", remarque Stefan Zweifel.
En effet, derrière "Dadaglobe Reconstructed", à voir jusqu'au 1er mai, se cachent six années de recherches. Réalisée en collaboration avec le Musée d'Art moderne de New York (MoMa), l'exposition est l'aboutissement, 95 ans après son lancement, d'un projet d'anthologie Dada initié par un des pères du mouvement: Tristan Tzara.
Tzara voulait publier "Dadaglobe", un livre rassemblant quelque 200 textes et images de plus de 40 artistes de dix pays. Il avait pour cela lancé un appel aux contributions.
Mais, alors que le projet était déjà très avancé, Tzara a dû l'abandonner pour des raisons financières et personnelles. Après sa mort dans les années 1960, ses archives ont été vendues aux enchères et disséminées dans le monde.
Retrouver la trace des documents a pris beaucoup de temps, explique Adrian Sudhalter, initiatrice du projet et curatrice new-yorkaise. Une publication du Kunsthaus tente de reproduire le plus fidèlement possible la vision qu'avait Tzara.
L'exposition montre quelque 200 contributions reçues par Tzara. Elles sont exposées en fonction de leurs provenances géopolitiques: Les Empires centraux, les pays neutres et l'Entente.
Cette répartition met en exergue le contexte d'après-guerre de "Dadaglobe". "Le projet de Tzara souligne la gravité du mouvement artistique né de la 1ère Guerre Mondiale", ajoute Adrian Sudhalter.
Il contient aussi des oeuvres devenues des icônes dadaïstes et, de manière plus large, du modernisme, selon la curatrice. C'est le cas du "Rossignol chinois", premier photomontage réalisé par Max Ernst.
Mais au Kunsthaus aussi, on retrouve le côté joueur et provocateur du dadaïsme. Il se dégage des oeuvres elles-mêmes, à l'image de "La Sainte Vierge" de Francis Picabia ou encore des photos de Man Ray.