Figure incontournable de la Nouvelle Vague, Jacques Rivette, est décédé vendredi à 87 ans. Il était le réalisateur français plein de rigueur de "La religieuse" - un temps interdit -, "Céline et Julie vont en bateau", ou encore "La belle noiseuse".
Homme discret, voire secret, érudit doté d'une immense mémoire, Jacques Rivette était un cinéaste influent. Mais il se tenait artistiquement en marge et demeurait souvent ignoré par le grand public.
Longtemps réalisateur confidentiel, il a fait l'actualité, en 2015, avec la sortie en salles et en DVD de son long métrage fleuve "Out 1", d'une durée de 12h30. Réalisé en 1971, ce film n'avait jamais été exploité en salles auparavant dans sa version longue.
Considéré par la critique et une partie de la profession comme un événement majeur, ce long métrage est une adaptation fort libre d'"Histoire des Treize", un roman de Balzac. Le film doit donc durer 13 heures avait dit en substance Rivette, mi-blagueur, mi-sérieux.
Pour lui, ses créations pouvaient être expérimentales. Il n'hésitait pas à bousculer les codes en vigueur et à réaliser des productions très longues pour imposer un rythme lent, laissant au spectateur une certaine liberté pour découvrir ses personnages.
Avec les acteurs, ce passionné de théâtre utilisait une méthode bien spécifique: pas de scénario, mais un canevas d'une quinzaine de pages, donné la veille ou parfois même le jour du tournage. C'est à partir de ce document que les comédiens prenaient possession de leur personnage. "Il nous donne la possibilité d'être aussi auteurs", a dit le comédien Sergio Castellito.
Fils de pharmacien, il est né à Rouen le 1er mars 1928. En 1949, il s'inscrit à l'Université de la Sorbonne mais fréquente davantage le ciné-club du Quartier latin de Paris que les cours.
En 1950, il fonde La Gazette du cinéma avec Eric Rohmer. Il est rédacteur en chef des Cahiers du cinéma entre 1963 à 1965. L'artiste réalise, en 1958, son premier long-métrage, "Paris nous appartient".
Son second long-métrage est "La Religieuse", réalisé d'après le roman de Diderot. Anna Karina y interprète Suzanne, une jeune fille mise de force dans un couvent mais qui refuse de prononcer ses voeux.
Le cinéaste devient célèbre à cause de l'interdiction de ce film "pour ne pas heurter gravement les sentiments et les consciences d'une très large partie de la population". La censure du long-métrage est levée en 1967, un an après sa sortie.
Avec "L'Amour fou" (1968) et, donc, "Out 1", il approfondit ses recherches sur l'improvisation et le mélange entre fiction et documentaire. Avec "Céline et Julie vont en bateau", il touche au fantastique mais revient à un certain réalisme dans "Le Pont du Nord".
Emmanuelle Béart pose pour "La Belle noiseuse" en 1991 avec Michel Piccoli. Et Sandrine Bonnaire incarne Jeanne d'Arc dans un film en deux épisodes "Jeanne la Pucelle". En 2000, Jacques Rivette réalise "Va savoir", une comédie librement inspirée du Carrosse d'or de Jean Renoir. Son dernier film, en 2009, était "36 vues du pic Saint-Loup".
Le président français François Hollande a salué "l'un des plus grands cinéastes" dont l'"oeuvre hors normes lui a valu une reconnaissance internationale". La ministre de la Culture Fleur Pellerin a estimé qu'il s'agissait de la disparition de "l'un des plus grands cinéastes de l'intime et de l'impatience amoureuse".
Il était "l'un des plus lucides, les plus inventifs, les plus libres de la Nouvelle Vague", a souligné l'ancien critique et ex-président du Festival international de Cannes Gilles Jacob. "Le cinéma français perd un de ses réalisateurs les plus libres et les plus inventifs", a renchéri l'actrice Anna Karina.
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