Zoom. La recommandation musicale est au cœur d’une bataille opposant les services de streaming et les tenants de nouvelles technologies grand public.
Texte de David Brun-Lambert
9 décembre 2015. Une semaine après la parution de son septième album, Head Full of Dreams, le groupe Coldplay annonce sa mise en ligne sur Spotify. Une première. Chris Martin et les siens avaient jusqu’ici toujours refusé de publier un disque simultanément sur support physique et sur un site de streaming. Alors que la lutte fait rage au cœur d’une industrie du «flux» en pleine expansion, les idoles pop n’ont désormais d’autre choix que d’y jouer les pions. En jeu? Quelques royalties, mais surtout la capacité de toucher de nouveaux auditeurs par millions.
Il y a une petite décennie, s’en remettre à l’avis d’un disquaire ou à celui d’un média permettait de s’y retrouver dans le volume des titres musicaux commercialisés. Depuis, la musique s’est dématérialisée, précipitant l’effondrement d’un écosystème économique et culturel tout entier au bénéfice des plateformes d’e-commerce ou de streaming: Spotify, Deezer, Apple Music ou Google Music All Access, acteurs phares d’un business totalisant un milliard d’utilisateurs pour 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel.
On comprend dès lors mieux les raisons qui poussent les firmes Google (propriétaire de YouTube Music) et Amazon (Prime Music) à violemment s’affronter lorsque les challengers Qobuz ou Tidal (fondé par le rappeur Jay Z) leur contestent des parts de marché. Comment différencier ces plateformes quand la variété du catalogue proposé, le prix de l’abonnement mensuel ou la qualité sonore sont identiques chez les uns et les autres? Par les solutions technologiques que ces géants sont capables d’offrir à un utilisateur aujourd’hui noyé dans un océan de musique numérisée!
Algorithme sensible aux émotions
«Offrir à l’utilisateur des outils souples, puissants et personnalisés afin de naviguer au gré des catalogues ou des nouveautés: cet enjeu hante l’industrie du streaming désormais, résume Vincent Favrat, directeur de Musimap, start-up belge spécialisée dans la recommandation musicale. Ce défi concerne également l’ensemble des produits culturels disponibles en «flux»: films, livres ou séries télévisées.»
Ainsi, le précieux conseil autrefois prodigué par le disquaire se trouve au cœur d’une bataille 2.0 où l’élaboration d’algorithmes de recommandation fait l’objet d’investissements faramineux. Pour preuve: le rachat par Apple de Beats Electronics en mai 2014 ou la récente captation par l’e-radio américaine Pandora des actifs du service de streaming Rdio. «Ces exemples illustrent un phénomène de concentration du marché et laissent présager qu’il n’y aura plus que quelques gros acteurs du streaming musical dans le futur, risque Vincent Favrat. Et cela même si Guvera (Asie du Sud-Est), Saavn (Inde) et Akazoo (Europe de l’Est) sont actuellement en expansion. Au terme de ce dernier round, de nombreux services auront été happés selon un scénario déjà vécu par les majors du disque ces dernières années.»
Une technologie souple et universelle fondée sur une recommandation de qualité, alors: les géants du web courent fiévreusement après cette formule magique dont Musimap* paraît justement détenir la solution. Fondée par Pierre Lebecque, un sociologue, musicologue et musicothérapeute liégeois, la start-up a mis au point une technologie capable «d’émuler les interactions complexes que le cerveau et le corps humain entretiennent avec la musique, explique Vincent Favrat. Un algorithme sensible aux émotions qui ressent, raisonne et répond à la musique comme les humains le font.» Surtout, une approche fondamentalement pionnière qui, au lancement de la technologie de Musimap en novembre dernier, avait, chose rare, forcé les cadors de la Silicon Valley à marquer un temps. Depuis, elle a été relancée de plus belle…