L'acteur français Michel Bouquet, 90 ans, aime broder et rebroder ses rôles: il reprend sur scène à Paris avec maestria un personnage endossé pour la première fois il y a 15 ans.
Sourire matois et yeux malicieux, il jure lors d'une rencontre qu'il "n'arrêtera jamais le théâtre". A voir sa gourmandise à jouer son nouveau rôle dans toutes ses contradictions, on comprend son désir de ne jamais quitter les planches.
Dans "A tort ou à raison" au Théâtre Hébertot, il est le chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler, accusé de collusion avec les nazis. Un demi-sourire ou un plissement des yeux lui suffisent pour insuffler toute son ambiguïté au chef adulé du Philharmonique de Berlin, resté à son poste alors que les nazis vidaient les orchestres de leurs musiciens juifs.
La pièce, écrite par le Sud-Africain Ronald Harwood (scénariste du film "Le Pianiste"), a été rodée en région avant de venir à Paris. Michel Bouquet l'a jouée lors de sa création en France en 1999, dans une mise en scène de Marcel Bluwal, au côté de Claude Brasseur. Cette fois, c'est Francis Lombrail qui reprend le rôle du commandant américain Steve Arnold, convaincu de la culpabilité de Furtwängler.
Chaque soir, le public fait un triomphe à Michel Bouquet, acteur hors normes qui s'était déjà distingué dans "Le roi se meurt" de Ionesco, incarné 830 fois en près de 20 ans.