Rencontre. Coleader des Libertines aux côtés de Pete Doherty, l’Anglais fait ses débuts au cinéma dans un film suisse qu’il est venu présenter à Genève dans le cadre du Festival Tous Ecrans.
Ce vendredi 13, il était invité,à Londres, à l’anniversaire de Paul Simonon. L’ancien bassiste des Clash, qui aura 60 ans à la mi-décembre, avait visiblement envie de prendre de l’avance sur le calendrier. Mais finalement, Carl Barât a préféré se rendre à Genève, où dans le cadre du Festival Tous Ecrans était dévoilé For This Is My Body, un long métrage qui le voit faire ses débuts devant une caméra. Tourné entre une chambre d’hôtel parisienne et la salle lausannoise des Docks, réalisé par la Valaisanne Paule Muret, installée depuis une trentaine d’années dans la capitale française, le film est une production 100% suisse. Il devrait sortir au printemps prochain.
Ce vendredi 13, avant un repas partagé avec le photographe et réalisateur néerlandais Anton Corbijn, au cours duquel il apprendra en direct l’horreur des attentats commis à Paris, Carl Barât nous expliquait qu’il ne s’est pas posé la question de la nationalité de For This Is My Body. «On m’avait déjà envoyé quelques scénarios, tous très mauvais, sourit-il. Mais là, il y avait beaucoup d’intégrité. Paule Muret a écrit une histoire classique, où il est question d’un demi-dieu et d’un pacte faustien. Ce qu’elle raconte se déroule chaque soir.» Cette histoire qui l’a instantanément convaincu, c’est celle d’une rock star se retrouvant, après un concert, dans les bras d’une groupie. Après le feu des projecteurs, la solitude d’une chambre d’hôtel. La star, qui dans le film n’a pas de nom, est perdue, au bord de la rupture. La groupie, elle, veut l’aider, lui donner la force de se relever. Huis clos étouffant à la narration minimale et admirablement maîtrisée, For This Is My Body – un titre à l’évidente dimension christique («ceci est mon corps») – parle de salut et de rédemption.
Premier album à 24 ans
Carl Barât, lui, compare son personnage à Sisyphe. Chaque soir, encore et encore, il est obligé de monter sur scène. «Il y a aussi quelque chose qui me rappelle le film Un jour sans fin.» La vie de rock star, il la connaît bien. Après sa rencontre avec Pete Doherty, avec lequel il fonde le groupe The Libertines, dont ils sont tous deux chanteurs et guitaristes, il publie en 2002, à l’âge de 24 ans, un album que la presse spécialisée décrit comme la meilleure chose qui soit arrivée au rock anglais depuis la disparition des Clash. La suite est connue: tandis que Doherty sombre dans la drogue et fait le bonheur de la presse people, Barât peine à maintenir le cap et les Libertines implosent deux ans plus tard.
Lorsqu’on lui demande à quel point il se sent proche du rockeur qu’il a incarné pour Paule Muret, dont il a aimé qu’elle lui laisse beaucoup de liberté, il précise que, s’il ne s’est jamais senti à ce point torturé, il a vécu de drôles de moments avec des groupies. «Un ami qui joue avec les Babyshambles m’a dit un jour qu’il en existait deux sortes: celles qui veulent vous montrer leurs seins, et celles qui veulent vous montrer leur poésie. Si vous confondez les deux, vous pouvez avoir des ennuis… Mais rassurez-vous, je n’ai rien à me reprocher légalement.» Aujourd’hui père de deux enfants, Barât s’est assagi. «Comme la groupie du film, j’ai une compagne qui m’aide à ne pas devenir fou.»
A la tête d’un nouveau groupe, The Jackals, il a également renoué avec Doherty pour un troisième album des Libertines, sorti il y a quelques semaines. «C’était bien de se retrouver, de se pardonner et de redevenir amis. Il faut aller de l’avant.» Salut et rédemption, encore.