Des tailleurs de pierre aux doreurs en passant par les ornementalistes, le chantier de restauration de l'Eglise orthodoxe russe de Genève va de l'avant. L'édifice fêtera 150 ans en 2016.
Les propriétaires espèrent que le premier des neuf bulbes dorés sera restauré pour le Noël russe le 7 janvier prochain. Fondée en 1866 sur une parcelle donnée par le canton de Genève, l'église était destinée aux aristocrates russes en séjour ou de passage dans la région. Elle a été agrandie en 1916, car sa nef était trop petite.
L'édifice a été restauré partiellement en 1966 à l'occasion de son centenaire, raconte François Moser, président de la Société de l'église russe (SER), propriétaire des lieux. Cinquante ans plus tard, il a subi l'outrage des ans, notamment des infiltrations d'eau. La toiture, les neuf coupoles dorées, la façade, les vitraux et les décors peints de l'intérieur, tout doit être restauré, explique-t-il.
Des obstacles juridiques ont cependant retardé la réfection de celle qui répond au doux nom de Cathédrale de l'exaltation de la Sainte-Croix. Sous la houlette d'une seule personne, deux fondations ont accusé la SER d'amateurisme dans la restauration. Elles ont recouru contre ces travaux jusqu'au Tribunal fédéral (TF) qui les a déboutées cet été.
Avant ce jugement, seuls les travaux urgents ont été autorisés, à savoir l'étanchéisation de l'édifice. "C'est rocambolesque, mais le droit suisse permet ces démarches", relève M. Moser, rappelant que le monument est dûment protégé depuis 1979 par l'Etat et la Confédération et que les travaux sont chapeautés par l'Office du patrimoine et des sites.
La page est désormais tournée, mais elle a coûté cher à la SER: pas loin de 100'000 francs sont partis en frais d'avocat et de location d'échafaudages. Sans compter le retard pris par le projet. Il sera impossible d'achever les travaux pour les 150 ans de l'église le 27 septembre 2016, comme espéré dans un premier temps, souligne M. Moser.
Les travaux sont devisés à plus de 5 millions de francs. Les pouvoirs publics, Confédération, cantons et communes de Genève devraient y participer à hauteur d'environ 30% à 40%, soit de 1,5 à 2 millions. Outre les fonds de l'église (environ 800’000 francs), la Loterie romande et une fondation privée contribuent généreusement à ce financement.
Les travaux urgents de réfection de la façade sont en cours d'achèvement, déclare Stephan Meleshko, architecte en charge de la rénovation. Les rigoles de récupération des eaux de pluie fissurées ont laissé l'eau pénétrer dans le bâtiment et certaines peintures intérieures ont subi des dégâts irréversibles.
La partie la plus haute de la toiture a été rénovée. Le prochain challenge est la rénovation des coupoles dorées quinquagénaires, fortement abîmées et pleines de bosses, note l'architecte.
"Il faut deux ou trois mois pour rénover une seule d'entre elles", souligne M.Meleshko. "Nous faisons appel à un ornementaliste, puis à une entreprise de dorure française qui travaillera sur place."
Le travail est énorme: tout d'abord, le batteur d'or - le même qu'il y a cinquante ans - tape le métal jusqu'à en obtenir une feuille ultramince. Les feuilles sont ensuite apposées et tiennent sans colle. Pour recouvrir tous les bulbes, à peine un kilo d'or suffit, poursuit M. Moser.
Enfin, le gros morceau consistera à restaurer entièrement les fresques. Les enjeux sont de taille, car deux couches de grande valeur se superposent: celle du 19e d'origine et celle qui l'a complètement recouverte en 1916, explique M. Meleshko.
Des surpeints ont été ajoutés en 1966, de même que deux couches de vernis. Elles ont absorbé les suies, crasses, dépôts d'encens, à l'origine d'un obscurcissement inhabituel pour une église orthodoxe. Au final, la version de 1916 devrait être restaurée, du fait que la couche du 19e est très probablement lacunaire.