Comment saisir un événement, soit la guerre de 14-18, qui se déroule en même temps dans plusieurs dizaines de pays, de la Russie à l’Angleterre en passant par la France, la Turquie ou la Serbie, et qui concerne des millions de gens, qu’ils soient rois, soldats ou marchands d’épices dans un bazar d’Istanbul?
C’est ce qu’a tenté, et réussi, Aleksandar Gatalica, 51 ans, l’un des romanciers serbes majeurs aujourd’hui, par ailleurs traducteur de grec ancien et chroniqueur de musique classique.
A la guerre comme à la guerre! est un roman étonnant, original, foisonnant, sage et moderne à la fois, érudit et populaire dans le même geste littéraire ambitieux et humaniste. En cinq longs chapitres, soit un par année de guerre, Gatalica nous fait valser de Sarajevo à Londres, d’une scène d’opéra de Berlin à la Closerie des Lilas à Paris, de personnages historiques – Kiki de Montparnasse, Nicolas II, Trotski, Mata Hari – à des héros fictifs attachants, qu’ils soient pilote, chanteuse ou petit commerçant.
Quatre-vingts personnages vont et viennent sous nos yeux, chacun pris dans l’engrenage de la folie meurtrière et, d’une certaine manière, liés les uns aux autres.
L’intérêt du roman est double: le point de vue balkanique de Gatalica nous sort de l’axe Paris-Londres auquel les commémorations récentes nous ont habitués. On se trouve soudain à Belgrade, à Corfou, à Sarajevo.
Et sa manière de lier, à chaque page, la grande histoire à la petite – quelle scène d’ouverture parfaite que l’arrivée des corps de l’archiduc et de sa femme sur la table d’autopsie du médecin légiste à Sarajevo –, de sortir des tranchées pour respirer cette Belle Epoque partie en vrille fait merveille dans ce qui est la première traduction française d’un livre de Gatalica.