Christiane Baumgartner, de Leipzig, est l’une des grandes artistes de la gravure contemporaine. Sa reconnaissance internationale est en marche. Une rétrospective de son travail s’est tenue récemment à l’Académie des beaux-arts de Paris.
En voici une autre, prenante, spectaculaire, au Musée d’art et d’histoire de Genève. Des grandes feuilles exposées, une constante apparaît: la tension entre le procédé utilisé, la gravure sur bois chère à la tradition allemande (de Dürer aux expressionnistes de Die Brücke), et les thèmes contemporains. Des avions et hélicoptères militaires, les voies de circulation, l’impact de l’homme sur la nature.
Christiane Baumgartner, dont le patronyme redouble sa démarche, accentue les lignes horizontales de ses xylographies jusqu’à en faire des motifs autonomes, qui se suffisent à eux-mêmes dans ses derniers travaux.
A partir de photos tirées de journaux, de vidéos ou de ses propres images, elle plonge également dans la mémoire allemande, par exemple avec le thème panthéiste de la forêt. Plus récemment, l’artiste s’est tournée vers la gravure en taille-douce (l’eau-forte) ou le dessin.
Le quotidien, le paysage, l’histoire: ce qui intéresse Christiane Baumgartner est la perception que nous avons du présent et du passé. L’accentuation des lignes et des trames, des effets de moirage et autres parasitages visuels troublent le regard au point que l’on se demande souvent ce que l’on voit dans ces grands formats, dont certains atteignent les quatre mètres.
Il faut reculer pour apercevoir ce qui peut être une explosion ou une vague gigantesque. Même dans les médias de masse, le monde reste opaque. La transparence des faits n’existe pas: l’affect et le laminoir du temps dressent un voile sur nos cornées.
Un tissu dont on distingue clairement le maillage mais confusément ce qu’il cache: le fracas de la guerre, l’indifférence de la nature, la banalité aliénante de notre environnement.
Agrandissez une image pour en découvrir le sens et vous ne verrez bientôt plus que des points, des lignes et des halos qui trahissent le mécanisme de sa reproduction. Laquelle date de l’époque de la gravure, de la photogravure industrielle, de la vidéo à l’ancienne.
C’est bien là la limite du parti pris esthétique de Christiane Baumgartner, peu préoccupée par les enjeux actuels de l’image numérique. Elle questionne la perception d’aujourd’hui, mais avec les moyens techniques d’hier.