Plus de deux cents personnes ont rendu mardi à Lausanne un dernier hommage à l'écrivaine Anne Cuneo. Extraordinaire conteuse, femme libre et militante, rebelle et attentive aux autres: tour à tour les orateurs ont souligné les multiples facettes d'une personnalité au destin hors du commun.
Organisée à salle Paderewski du casino de Montbenon, la cérémonie a duré environ une heure et quart. Sur la scène, le cercueil, un grand portrait d'Anne Cuneo, décédée mercredi 11 février du cancer à 78 ans, une chaise à son nom et un piano. Si ce sont des adieux, le moment doit aussi être joyeux, a déclaré Alain Bottarelli, ami et ancien élève de la défunte.
Ceux qui ont pris la parole ont en quelque sorte exaucé ces souhaits. Ils ont montré l'énergie, la verve, le côté "abrasif" d'Anne Cuneo, soulevant le rire et des applaudissements. Ils ont aussi su émouvoir en retraçant une vie souvent difficile même si l'on se souvient de "la battante".
Souvent interrompu par les sanglots, Roger, frère de l'écrivaine, a évoqué "une autre Anne, plus fragile". Il a rappelé l'enfance traumatisée par la mort de leur père et le placement en orphelinats en Italie. Puis les retrouvailles par hasard, des années plus tard, à l'avenue d'Ouchy à Lausanne.
"Nous avons laissé dormir nos enfances", a raconté Roger en parlant de sa soeur qui s'est battue "toute sa vie pour un monde meilleur". "Quelle figure de liberté", s'est exclamée pour sa part Isabelle Falconnier, présidente du Salon du Livre de Genève. "C'était une écrivaine populaire, jamais nombriliste ou narcissique. Elle savait tout faire, avec une caméra, un enregistreur, du papier", a relevé la journaliste.
Alain Bottarelli a évoqué la militante trotskiste, celle qui se battait et manifestait dans la rue à l'époque du scandale des fiches et des initiatives Schwarzenbach. Quand je lui ai demandé comment elle pouvait gagner sa vie dans la publicité, symbole des symboles du capitalisme, elle m'avait répondu: "On ne choisit pas l'usine dans laquelle on travaille".
Anne Cuneo a mené beaucoup de combats. Contre son cancer qui s'est réveillé il y a quelques mois, elle a perdu. "Mais je suis sereine", avait-elle dit à son ancien élève quand elle avait compris que "'c'était cuit". Avant d'ajouter: "Mais j'aimerais tellement encore en écrire un (de livre)".
Née le 6 septembre 1934 à Paris, Anne Cuneo a fait ses études à Lausanne où elle est arrivée à l'âge de 11 ans. Romancière, journaliste, documentaliste, scénariste, elle a reçu, entre autres, le Prix Schiller en 1979.
Le canton de Vaud l'a honorée en 1994 pour l'ensemble de son oeuvre. En 2008, la France l'a nommée Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres et en 2013 Commandeur dans l'ordre national du Mérite.
Parmi les nombreux ouvrages d'Anne Cuneo, on peut citer "Le Trajet d'une rivière" en 1993 (Prix des libraires 1995), "Le maître de Garamond" en 2002, "Une Cuillerée de bleu" (1979) ou "Station Victoria" en 1989.